Abstract :
[fr] Tout en réfléchissant sur le cinéma d’animation et sur le film de silhouettes en lui-même (notamment au travers des questions du cadre, du noir et de l’ombre, et de la profondeur), nous avons effectué une analyse approfondie du travail de Michel Ocelot. Confirmant notre hypothèse de départ, cette analyse a montré que les caractéristiques générales du film de silhouettes, finement décrites par Pierre Jouvanceau dans un ouvrage couvrant tous les aspects du film de silhouettes (technique, historique et esthétique), sont à nuancer à de multiples égards en ce qui concerne la production de Michel Ocelot. Les nuances constatées sont liées à la présentation de l’espace et au mouvement dans et de celui-ci. Contrairement au film de silhouettes classique, l’espace chez Michel Ocelot apparaît sur-découpé, morcellement qui a pour effet de désorienter le spectateur, mais, parallèlement, participe à rendre cet espace intelligible en en fournissant une présentation très complète. Des procédés considérés comme inexistants ou rares dans le film de silhouettes classique se retrouvent chez Ocelot, souvent dès les débuts. Parallèlement à ces nuances, qui pourraient être qualifiées d’innovations, nous avons vu que Michel Ocelot respectait la plupart des fondamentaux du film de silhouettes et, ce, même lorsque la technique aurait permis d’outre-passer ces règles liées aux conditions de représentation. De manière générale, l’insertion de nouvelles technologies dans le film de silhouettes est légitimée par le fait que le processus a été engagé dès les débuts. D’autre part, l’analyse du cadre, au départ du constat qu’il semblait singulièrement exploité dans l’univers en silhouettes de Michel Ocelot, a démontré qu’un jeu bien mené sur celui-ci pouvait mener à la réappropriation d’un espace d’ordinaire inextensible. Le dispositif, d’apparence anodin, du récit-cadre permet à Ocelot de créer des espaces dans l’espace, en jouant sur la multiplication et la division de l’image. Le potentiel d’élargissement de l’espace est également porté par la propension de Michel Ocelot à tirer parti de la noirceur des éléments : le noir est une ressource, il permet le surgissement d’objets et d’ouvertures, il est un hors-champ potentiel. L’espace se trouve ainsi doublement élargi, démultiplié par les espaces hors-champ et divisé par le surcadrage interne. De là découle l’importance des étapes d’entrée dans la diégèse et et du récit-cadre, car « l’immersion passe surtout par la création d’un espace englobant ».
