L’autel axial du déambulatoire de la collégiale Notre-Dame de Dinant au XIIIe siècle : la mémoire d’une catastrophe, la puissance d’une symbolique

Le 22 décembre 1227, un immense bloc se détache du promontoire rocheux bordant le flanc oriental de Dinant et s’écrase sur un des flancs de la collégiale Notre-Dame érigée à ses pieds. Les dégâts matériels importants contraignent les chanoines à rebâtir l’édifice en se focalisant d’abord sur les parties les plus meurtries par la catastrophe, soit le chœur et le transept, dont le chantier s’échelonne entre approximativement 1230 et 1250. Au cours de ces opérations, une portion de la falaise est amalgamée dans la travée axiale du déambulatoire et magnifiée par une arcade aveugle monumentale évoquant sans équivoque un portail d’église : une voussure plein cintre à quatre rouleaux supportée par deux piédroits agrémentés de bases attiques, de chapiteaux à crochets et de colonnettes. Divers arguments archéologiques, textuels, spatiaux et contextuels permettent d’affirmer que cet ensemble est un ancien autel dont le fragment de roche en question constitue la table, aujourd’hui ravalée. L’hypothèse d’une dédicace à saint Perpète, patron de la cité dinantaise, est séduisante, bien qu’elle doive encore être éprouvée par un examen critique rigoureux des sources disponibles. Quoiqu’il en soit, les contraintes topographiques du site et les impératifs technico-économiques inhérents au chantier de reconstruction ne suffisent pas à expliquer l’incorporation d’une portion de la falaise dans la collégiale. En effet, le caractère hautement symbolique de l’autel, sa position névralgique dans l’église, de même que sa valorisation par une arcade monumentale particulièrement soignée et délicate, sous-entendent que des enjeux conséquents et des rouages complexes sont ici à l’œuvre. Le présent article tente donc d’interpréter cette structure à la lumière de l’histoire du site et de certains passages vétéro-testamentaires.