Abstract :
[de] Je fais l'hypothèse que le travail de Parreno est mise en œuvre de ce que le philosophe Etienne Souriau a décrit comme le fait que l’artiste crée pour répondre à la requête d’existences inachevées, d’existences moindres, qui demandent à être amplifiées, rendues plus réelles. Souriau utilise un très beau terme pour désigner ce travail qui consiste à répondre à l’appel d’un être qui réclame l’existence : le terme d’instaurer. Ce terme prend en charge l’idée que quelque chose doit être construit, créé, fabriqué. Mais au contraire des termes « construire », « fabriquer » ou « créer » qui nous sont familiers, celui d’instaurer oblige à ne pas se précipiter trop vite sur l’idée que ce qui se fabrique serait totalement déterminé par celui qui assume de faire ou de créer un être ou une chose, de donner une âme ou d’amener une oeuvre à l’existence.Les lucioles animées n’ont pas le même mode d’existence qu’une montagne, une pièce de musique, une idée, un Boli du Mali, un algorithme ou un spectre. Mais, à certains égards, elles partagent certaines qualités avec d’autres êtres — avec les algorithmes, bien entendu, mais également avec les personnages de fiction, puisqu’elles deviennent sujets d’histoires, de « vie » ou d’apparition et de mort, ou de disparition. D’apparence de vie ? D’apparence de mort ? Me voilà à hésiter. Et je crois que c’est là l’épreuve à laquelle nous convient également les lucioles de Parreno. Leur régime contaminant d’instabilité les associe alors, même de manière lointaine, aux apparitions des êtres du religieux, des spectres et des anges, qui, tous, se manifestent toujours dans ce régime même d’alternance de présence et d’absence, d’apparitions et de disparitions, un régime de pulsations, de bribes, d’éclairs passagers, d’intermittences. Il me semble alors que les lucioles, qui partagent tant des qualités des êtres de l’apparition, sont venues dans son travail pour prolonger, amplifier, interroger ce qui fait de l’existence de ses œuvres une énigme et, peut-être, répondre à la nécessité d’inventer des modes d’existence inédits et encore inconnus.