Répéter pour convaincre. Usages polémiques de la répétition dans les libelles de la Ligue parisienne (1585–1594)

Tout qui parcourt quelques-uns des 870 libelles que la Ligue parisienne publia de 1585 à 1594 ne peut qu’être frappé par les nombreuses répétitions émaillant ces courts textes polémiques. Si ce constat a régulièrement été formulé par les chercheurs, il n’a jamais été considéré comme un objet d’étude à part entière. Étudiant ce phénomène sous l’angle des pratiques discursives et de leur potentiel indiciel, cette enquête envisage la répétition à travers deux grandes approches.
La première, intertextuelle, étudie les répétitions entre différents libelles. En effet, malgré des formes et des situations d’élocution extrêmement diverses, les libelles de la Ligue partagent un répertoire d’arguments et de formules argumentatives commun. Tandis que la répétition de lieux communs d’un texte à l’autre apporte aux catholiques une unité bien nécessaire, le ressassement d’énoncés incisifs entre différents libelles permet aux polémistes de diffamer les ennemis des ligueurs par un martèlement textuel parfois violent.
La seconde approche, intratextuelle, envisage la répétition au sein d’un même libelle. En effet, si certains polémistes ont opté pour la concision, d’autres ont préféré émailler leur texte d’énoncés répétitifs, d’anaphores, de suites de synonymes. Outre une vertu didactique, ces pratiques discursives sont propices à la diffamation voire à la mise en accusation de l’adversaire politique : c’est alors grâce à la répétition que les libelles se muent en réquisitoires implacables.