Abstract :
[fr] Introduction et objectif de l’étude
La littérature scientifique concernant l’état nutritionnel des patients en état de conscience altérée (ECA) est à l’heure actuelle très pauvre. Le but de cette étude prospective observationnelle transversale est d’investiguer la relation entre le profil nutritionnel de ces patients et leur état de conscience.
Matériel et Méthodes
Nous avons collecté et analysé les données cliniques (état de conscience, spasticité) et nutritionnelles (indice de masse corporelle (IMC), apports nutritionnels, biologie) de 80 patients en état d’éveil non répondant (ENR), en état de conscience minimale (ECM) ou en état de conscience minimale émergeant (EECM). Les patients ont été classés selon le résultat de l’analyse nutritionnelle : bien nourri, à risque de dénutrition et dénutri.
Résultats
De nos 80 patients (43 ± 15 ans), 19 étaient en ENR (24%), 47 en ECM (59%) et 14 en EECM (17%). Parmi eux, 7 (9%) étaient à risque de dénutrition et les 73 autres (91%) étaient bien nourris. L’IMC de ces sujets n’est pas lié à leur niveau d’ECA (p = 0,093), au délai après l’accident (p = 0,12) ou à l’étiologie de leur état neurologique (p = 0,51).
Une différence entre l’apport énergétique réellement administré à ces patients et celui qu’ils devraient théoriquement recevoir sur base des recommandations nutritionnelles (30 kcal/kg de poids de calcul) est observée. Les sujets obèses (≥ 30 kg/m²) recevaient 631 ± 328 kcal en moins/jour par rapport aux recommandations et ceux en surpoids (25-29,9 kg/m²), 415 ± 390 kcal/j en moins également. En revanche, les patients avec un IMC faible (< 18,5 kg/m²) recevaient 106 kcal ± 299 kcal/j en plus.
La comparaison du niveau de spasticité en fonction de l’IMC révèle une corrélation significative (r = - 0,30, p = 0,009) et montre que les patients les moins spastiques au niveau des membres inférieurs sont plus à risque d’avoir un surpoids (IMC = 27,7 ± 7,5 kg/m²). Au contraire les plus spastiques à ce niveau sont plus à risque d’avoir un IMC plus faible (22,1 ±3,8 kg/m²). Parmi les 9 sujets avec un IMC < 18,5 kg/m², 7 présentent une spasticité sévère, et les 2 autres une spasticité modérée, au niveau des membres inférieurs.
L’étude de la différence d’apport énergétique par rapport à la spasticité montre que les patients non spastiques recevaient 297 ± 318 kcal/j en moins par rapport aux recommandations, contre 222 ± 430 kcal/j pour une spasticité moyenne et 41 ± 406 kcal/j pour des niveaux de spasticité plus élevés.
Conclusion
Nos résultats indiquent que la majorité des patients ECA ont un état nutritionnel satisfaisant. Cet état nutritionnel ne semble pas lié au niveau de conscience, ni au délai ou à la cause de leur accident. Les patients les moins spastiques présentent des critères de surpoids malgré un apport énergétique considérablement réduit par rapport aux recommandations nutritionnelles. En revanche, un niveau élevé de spasticité est associé à un niveau de sous poids (IMC < 18,5 kg/m²) en dépit d’un apport énergétique supérieur à l’objectif préconisé par ces recommandations. Des analyses complémentaires sont en cours (calorimétrie indirecte, impédancemétrie, étude de la spasticité et imagerie métabolique) afin de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents.