Les robinsonnades de la conscience sartrienne : la réalité mise à l'épreuve.

Dans Quatre essais sur Sartre, Mercè Rius navigue dans la pensée sartrienne où la philosophie donne ses armes à la littérature, et où la phénoménologie prépare le terrain à l'existentialisme. Dans un style dense et fluide, parfois sautillant mais avec le souci de l'unité d'ensemble, l'A. mobilise les textes de la première période afin d'éclairer le rôle de l'imagination dans l’ensemble de l'œuvre. En variant les angles d'approche, ces essais jouent avec certains motifs (le glissement, la fuite, la solitude) et témoignent d'une familiarité avec un Sartre dont le portrait tiré embrasse sensiblement les traits d'Antoine Roquentin.
La figure du solitaire ou de « l'homme seul » traverse ainsi tout le recueil. Elle permet le va-et-vient incessant entre morale existentialiste et ontologie phénoménologique, notamment grâce au pivot que fournit la dimension fondamentalement humaine de la vérité. Si la vérité est une construction humaine à travers l'intersubjectivité et l'historicité, alors le solitaire court le double risque de perdre à la fois le sens de l'action et le sens du monde humain. L'expérience du solitaire vient interroger la constitution de la réalité à partir d'un retour de la « spontanéité monstrueuse » de la conscience pure : chez le solitaire, la conscience perceptive est débordée par les consciences imageante et émotive dont l'intentionnalité est déréalisante. C'est au cœur de cette poussée de fonds de l'irréel, qui travaille le réalisme sartrien comme le vers dans la pomme, que nous place Mercè Rius dans le second essai du recueil. Après une présentation linéaire et succincte des différents textes, nous nous arrêtons plus avant sur ce qui fait l'ambition critique de l'ontologie de L'être et le néant.