Abstract :
[fr] La cécidomyie orange du blé, Sitodiplosis mosellana (Géhin) (Diptera : Cecidomyiidae), est un ravageur important du blé. Ses larves se nourrissent aux dépens des grains en formation pouvant causer d’importantes pertes de rendement et de qualité de la récolte. Présente dans tout l’hémisphère nord, cette espèce univoltine a occasionné d’importants dégâts aux cours des trente dernières années. En Belgique, elle est actuellement reconnue comme le ravageur principal du blé. Bien qu’il soit connu depuis près de deux siècles, le contrôle de ce ravageur reste difficile en raison de son comportement discret et de ses populations fortement variables en fonction du champ, de la localisation et de l’année. Une gestion intégrée de S. mosellana afin de limiter ses populations et ses dégâts est donc indispensable. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette thèse qui a pour objectif d’améliorer les stratégies de lutte contre le ravageur.
Après une revue bibliographique axée principalement sur les connaissances relatives à la biologie de l’insecte et sur les stratégies de lutte existantes contre ce ravageur, plusieurs études touchant différents aspects de la lutte intégrée ont été réalisées afin de répondre à notre objectif.
Le risque de dégâts de S. mosellana est essentiellement conditionné par la coïncidence entre la présence d’adultes et la phase sensible des blés. Cette fenêtre de vulnérabilité des blés ne durant qu’une dizaine de jours, la prévision des émergences du ravageur constitue l’élément clé dans l’estimation des risques et dans l’élaboration de sa lutte. Sur base de l’analyse de la phénologie de leurs émergences et des conditions météorologiques, les facteurs induisant le déclenchement des émergences ont été déterminés et un modèle prévisionnel des émergences de S. mosellana a été établi pour la Belgique.
Afin de détecter et de quantifier les adultes émergés, les pièges constituent un outil très utile. Plusieurs types de pièges disposés à différentes hauteurs par rapport au sol ont été testés afin d’améliorer l’efficacité de capture de S. mosellana et de son parasitoïde principal, Macroglenes penetrans. Les pièges les plus efficaces ont été le piège à phéromone positionné à 0,2 m pour S. mosellana, et pour M. penetrans le piège cuvette jaune et le piège collant positionné à 0,6 m. Par ailleurs, il a été constaté que l’ajout d’un leurre de phéromone d’Haplodiplosis mariginata, une autre cécidomyie des céréales, dans un piège équipé d’un leurre de phéromone de S. mosellana diminuait drastiquement l’efficacité de capture de S. mosellana.
Lorsque des adultes sont détectés durant la phase sensible du blé, un contrôle chimique du ravageur peut être nécessaire. Différents traitements insecticides ont été évalués quant à leur efficacité de protection de variétés de froment sensibles et résistantes. Il a été démontré, qu’en cas d’attaque sévère de S. mosellana, un traitement insecticide bien positionné pouvait protéger le blé contre ce ravageur en conduisant à une augmentation significative des rendements, et que même les variétés résistantes pouvaient valoriser un tel traitement. Une relation non-linéaire entre la perte de rendement et le nombre de larves par épis a également été mise en évidence. L’effet toxique de plusieurs fongicides sur les adultes induisant des taux de mortalités significatifs a été révélé par un essai au champ et au laboratoire.
Outre les traitements insecticides, la culture de variétés résistantes constitue l’autre stratégie de lutte contre S. mosellana. La détermination des variétés résistantes est donc essentielle. Dans cette optique, une méthode de phénotypage en conditions semi-contrôlées a été mise au point. Cette méthode permet d'évaluer très simplement un grand nombre de variétés de manière fiable.
Par ailleurs, le rôle des parasitoïdes comme agents de régulation des populations de S. mosellana a été étudié. Le complexe parasitaire de S. mosellana présent en Belgique a été identifié et s’est révélé spécifique. Huit espèces appartenant à deux familles d’hyménoptères (Pteromalidae et Platygastridae) parasitent S. mosellana. Les taux de parasitisme ont fortement varié en fonction du site, allant de 3 à 100 %. La phénologie des trois principaux parasitoïdes a été comparée à celle de leur hôte. Il a été démontré que les émergences de M. penetrans étaient étroitement synchronisées avec celles de son hôte et induites par les mêmes pluies inductrices, contrairement à E. error et P. tuberosula.
Perfectionnement du modèle prévisionnel des émergences, mise en évidence d’interférences entre les phéromones de deux cécidomyies proches, mesure de l’effet de traitements insecticides mais aussi fongicides, conception d’une méthode de phénotypage des variétés de blé quant à la résistance à S. mosellana, identification du complexe des parasitoïdes, mesure des taux de parasitisme : par différents apports aux connaissances et mise au point technique, la présente thèse permet aux scientifiques et aux acteurs de terrain de mieux appréhender le problème agronomique que pose la cécidomyie orange du blé, et de gérer les populations de ce ravageur dans le respect du concept de lutte intégrée.