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Abstract :
[fr] Le professeur de langues compte parmi les grandes figures de médiateurs internationaux, au même titre que les ambassadeurs, les explorateurs, les traducteurs, les intellectuels cosmopolites et autres passeurs de frontières et de cultures. La perspective et le concept de médiation sont donc utiles pour mettre en lumière les caractéristiques et l’évolution de la fonction d’enseignant et de son statut. C’est ce que nous proposons de faire ici en questionnant cette dimension « médiatrice », envisagée comme une/des posture(s) (Meunier 2013, 2016) de l’enseignant dans un contexte particulier, celui de la mondialisation.
Mais avant de considérer sa posture de médiateur interculturel (intergroupes), qui sera ici principalement mis en évidence et en cause, compte tenu du contexte déjà mentionné, nous commencerons par insister sur sa posture de médiateur social (intragroupe) (Defays et Meunier, 2016). En effet, le professeur de langues assure, comme la plupart de ses collègues des différentes disciplines, le relai entre les générations, le transfert des savoirs, des savoir-faire, des savoir-vivre et aussi des valeurs qu’une époque juge pertinents de transmettre à la suivante. Or on sait qu’au cours des cinquante dernières années, les langues et les cultures étrangères ont connu, dans les curricula à tous les niveaux d’enseignement, des valeurs, des places et des formes très variables qu’il est intéressant de comparer à celles des autres disciplines.
Nous verrons ensuite comment se décline la posture du professeur de langues, notamment lorsqu’il expose ses apprenants à la diversité. Et inversement, lorsqu’il renvoie à ses apprenants une image d’eux-mêmes comme du groupe auquel ils appartiennent. L’enseignement des langues et des cultures étrangères met ainsi en œuvre une délicate dialectique entre les ressemblances et les différences, le familier et l’exotique, l’universel et le particulier ; il mise donc autant sur la découverte de soi que sur celle de l’Autre, un de ses premiers bienfaits étant – quand il est assuré dans une perspective interculturelle – la capacité d’autocritique qu'il permet d'inculquer aux apprenants. Ainsi, le professeur de langues active la double force centripète et centrifuge dans sa classe, en questionnant sans cesse les « étiquettes » d’étranger, de natif, etc.
Mais la posture de l’enseignant-médiateur, c’est aussi œuvrer à mettre en contact les langues et les cultures, non seulement par sa propre expérience du plurilinguisme et de l’interculturalité, mais aussi par son éthos et par son enseignement : les effets de sa médiation sont alors démultipliés. Les responsabilités intellectuelles, sociales et sociétales des professeurs de langues sont donc considérables car, de la qualité de leur travail, mais aussi de leur orientation idéologique et de leur implication morale, dépendront les compétences, représentations, attitudes et finalement comportements que leurs apprenants, en particulier des jeunes, vont adopter pour communiquer et pour interagir, dans un monde où les contacts se multiplient et s’intensifient. Nous montrerons que la qualité des relations internationales de demain repose effectivement sur l’enseignement des langues et des cultures qu’on organise aujourd’hui, que ce soit sur le plan du choix des langues enseignées, ou sur celui des objectifs que l’on se fixe et des méthodes que l’on choisit de suivre.