Abstract :
[en] Facing the limits of input-intensive agriculture, agroecology aims at thinking ways to design a sustainable agriculture that is economically viable and socially relevant. It notably invites to mobilize ecological processes within agroecosystems in order to enhance the delivery of ecosystem services towards reducing the use of external inputs – among others insecticides. For enhancing biological control of insect pests, a strategy is to spatially diversify agroecosystems at the field scale. Whereas increasing plant diversity could directly negatively affect pest development on the one hand (i.e. bottom-up effect), providing flowering features could allow the enhancement of natural enemies and their direct effect on pest populations on the other hand (i.e. top-down effect). The present thesis focused on intercropping (i.e. the cultivation of at least two crop species simultaneously in a same field) as a way to diversify crop habitat, and the sowing of wildflower strips as a non-crop feature.
A systematic analysis of the literature revealed that, in most of studies, wheat (Triticum aestivum L.)-based intercropping allows a reduction of insect pests on crops, without necessarily favouring their natural enemies, compared to pure-stands. Besides, the provision of flowering resources, by for instance sowing wildflower strips, can attract and support flower visiting predators and parasitoids.
Hence, in a first set of field experiments, combining the two tactics of increasing crop diversity and providing flowering resources was tested. First in China, wheat crop was associated with oilseed rape (Brassica napus L.), but it neither allowed reducing aphid (Hemiptera: Aphididae) abundance nor enhancing their natural enemies compared to pure stands. Instead, aphid density – independently from the treatments – affected natural enemy abundance, and interspecific relations between aphids and their natural enemies were observed. Second in Belgium, wildflower strips were sown within a wheat field, which led to a reduction of aphid density in wheat plots in between flowering features and an increase of aphidophagous hoverflies (Diptera: Syrphidae) compared to pure-stand wheat. Nevertheless, the presence of flowering strips did not affect the other natural enemies, i.e. lacewings (Neuroptera: Chrysopidae), ladybeetles (Coleoptera: Coccinellidae) and parasitoid wasps (Hymenoptera: Braconidae).
Therefore, a second set of field experiments focussed on ways to compose mixtures of wild flowers attractive to a diversity of natural enemies. Flower functional traits were considered due to their effect on insect behaviour. First, the hypothesis that mixtures with high functional diversity attract and support a high abundance and diversity of aphid flower visiting predators was tested. This hypothesis was not verified. Instead, the high density in the plots of some flower species (especially the Asteraceae Leucanthemum vulgare Lam.) known to be attractive to flower visitors was supposed to have overwhelmed the effect of functional diversity. Second, a methodology was developed to identify which flower traits significantly affect natural enemy abundance – in this experiment parasitoids of oilseed rape beetle pests (i.e. Meligethes spp. [Coleoptera: Nitidulidae] and Ceutorhynchus spp. [Coleoptera: Curculionidae]) – in flower mixtures. Among seven traits, visual traits (i.e. colour, ultra-violet reflectance) and the one related to food availability (i.e. corolla morphology) were found to significantly affect parasitoid abundance.
These results highlight that (i) increasing plant diversity at the field scale can – but not systematically – favour a reduction of insect pests, (ii) including flowering features can enhance some – but not all – of their natural enemies, and (iii) in order to compose flower mixes attractive to natural enemies, specific flower traits – rather than functional diversity at the mixture level – can be considered.
These results are discussed in a broader perspective. Indeed, strategies to spatially diversify crop and non-crop habitats in agroecosystems are various, as well as the ways to compose, manage and design such habitats. Also, processes at larger scales than the field may be determinant. Moreover, insects are not the only pests, and pests are not the only biotic or abiotic elements that need to be regulated in agroecosystems. Controlling multiple pests simultaneously but also enhancing the provision of multiple regulating services represent challenges for future research in agriculture.
[fr] Face aux limites de l’agriculture intensive en intrants, l’agroécologie propose un cadre pour penser la conception d’une agriculture écologiquement durable, mais aussi économiquement viable et socialement responsable. Notamment, elle invite à mobiliser les processus écologiques au sein des agroécosystèmes dans le but d’accroitre la fourniture de services écosystémiques, pour réduire l’usage des intrants externes – parmi d’autres les insecticides. Une stratégie pour favoriser la lutte biologique contre les insectes ravageurs est de diversifier spatialement les agroécosystèmes à l’échelle parcellaire. D’un côté, accroitre la diversité végétale peut directement pénaliser le développement des ravageurs (effet « bottom-up »), d’un autre côté fournir une resource florale peut favoriser le développement d’ennemis naturels et potentiellement leur action de prédation et de parasitisme sur les ravageurs (effet « top-down »). Dans ce but, la présente thèse s’intéresse aux associations de cultures (cultiver au moins deux cultures simultanément dans la même parcelle) comme un outil de diversification des habitats cultivés, et au semis de bandes de fleurs sauvages comme habitat semi-naturel.
Une analyse systématique de la littérature montre que, dans la plupart des études, les associations de cultures intégrant le blé (Triticum aestivum L.) permettent une réduction de l’abondance en insectes ravageurs, sans pour autant favoriser leurs ennemis naturels, en comparaison à des cultures pures. Par ailleurs, la fourniture de ressource florale, en semant par exemple des bandes de fleurs sauvages, peut attirer et maintenir des populations de prédateurs et de parasitoïdes.
D’où, un premier ensemble d’expériences consista à évaluer en champ l’effet combiné de l’accroissement de la diversité végétale et de la fourniture de ressources florales sur les populations de ravageurs et d’ennemis naturels. Dans un premier temps en Chine, du blé fut associé à du colza (Brassica napus L.), mais cela ne permit ni de réduire les populations de pucerons (Hemiptera : Aphididae), ni d’accroitre celles de leurs ennemis naturels, en comparaison à des parcelles en culture pure. Les ennemis naturels furent plutôt affectés par l’abondance en pucerons – indépendamment des traitements – et des relations interspécifiques entre pucerons et ennemis naturels furent observées. Dans un second temps en Belgique, des bandes de fleurs sauvages furent semées au sein d’une parcelle de blé. Une moindre abondance en pucerons et un accroissement du nombre de syrphes aphidiphages (Diptera : Syrphidae) fut observé dans la culture entre les bandes fleuries en comparaison à des parcelles en culture pure. Néanmoins, la présence de fleurs sauvages n’affecta pas les autres ennemis naturels, précisément les chrysopes (Neuroptera : Chrysopidae), les coccinelles (Coleoptera : Coccinellidae) et les parasitoïdes (Hymenoptera : Braconidae).
C’est pourquoi, un second ensemble d’expériences en champ se pencha sur la composition des mélanges fleuris et leur attractivité pour une diversité d’ennemis naturels. Les traits fonctionnels des fleurs furent considérés du fait de leur effet sur le comportement des insectes. Dans un premier temps, l’hypothèse que des mélanges fleuris ayant une diversité fonctionnelle élevée attirent et maintiennent une grande diversité et abondance de prédateurs de pucerons fut testée. Cette hypothèse ne fut pas vérifiée. Il fut supposé que la densité élevée, dans quelques unités expérimentales, de certaines espèces de fleurs (en particulier l’Asteraceae Leucanthemum vulgare Lam.) connues pour être particulièrement attractives, a pu prendre le dessus sur l’effet de la diversité fonctionnelle. Dans un second temps, une méthodologie fut développée dans le but d’identifier les traits fonctionnels qui effectivement affectent l’abondance des ennemis naturels – dans cette expérience les parasitoïdes des ravageurs coléoptères du colza (Meligethes spp. [Coleoptera : Nitidulidae] et Ceutorhynchus spp. [Coleoptera : Curculionidae]) – dans les mélanges fleuris. Parmi sept traits, ceux relatifs à la vision (couleur, réflectance ultra-violette) et à la disponibilité en ressource alimentaire (morphologie de la corolle) eurent un effet significatif sur l’abondance en parasitoïdes.
Ces résultats soulignent que (i) accroitre la diversité végétale à l’échelle parcellaire peut – mais non systématiquement – favoriser une diminution de l’abondance en insectes ravageurs, (ii) inclure des espèces florales peut accroitre certains – mais pas tous les – ennemis naturels, et (iii) pour composer des mélanges fleuris attractifs pour les ennemis naturels, certains traits floraux particuliers – plutôt que la diversité fonctionnelle à l’échelle du mélange – pourraient être considérés.
Ces résultats sont discutés dans une optique plus large. En effet, les stratégies de diversification des habitats cultivés et non-cultivés au sein des agroécosystèmes sont diverses, tout autant que les moyens de composer, gérer et agencer ces habitats. De plus, des processus à des échelles supérieures que celle du champ cultivé peuvent être déterminants. Enfin, les insectes ne sont pas les seuls ravageurs, et les ravageurs les seuls éléments biotiques ou abiotiques qui doivent être régulés dans les agroécosystèmes. Réguler les populations de ravageurs et offrir une diversité de services écosystémiques de manière conjointe représente un défi scientifique pour les recherches futures.