Abstract :
[fr] La violence est au cœur des deux pièces de théâtre germanophones contemporaines Verrücktes Blut et Märtyrer, qui illustrent les confrontations quotidiennes au sein d’une salle de classe, où chacun s’est crispé sur ses positions et menace de se radicaliser. Les rôles sont figés, les paroles gelées et plus aucune interaction ne semble possible. Dans cette Babel contemporaine, la diversité des langues et des langages ne permet plus de négocier du commun. Pour remettre du jeu sur scène et dans les rapports humains, Erpulat et Mayenburg convoquent la traduction dans toutes ses formes. Entre les langues, puisque tous les personnages manient au moins deux idiomes, en général le turc et l’allemand. Entre sociolectes, c’est-à-dire une langue dite « standard » (Hochdeutsch) devenue, dans le cadre scolaire, un technolecte autoritaire et pauvre, et la « Kanak Sprak » dévaluée car bâtarde et agressive. Entre les époques, puisqu’un texte classique est l’objet même du conflit (Schiller dans un cas, la Bible dans l’autre), et s’avère incompréhensible tant que son caractère canonique interdit toute réinterprétation. Les vertus de la traduction comme actualisation, négociation et déplacement du sens sont donc mises à profit au cours de la représentation afin d’interroger et de renouveler les modalités de la transmission épistémologique. Ce sont ces rapports entre traduction et « jeu », terme emprunté notamment à l’Education esthétique de l’homme (1794), cité longuement dans l’une des pièces et où Schiller écrit que « l’homme n’est tout à fait homme que lorsqu’il joue », qu’on examinera dans cette communication.