Les politiques de l'autocontrainte

Cet article propose une lecture sociologique des mutations de l’intervention publique en matière d’éducation et de formation. Deux politiques publiques sont retenues et examinées, sous différents angles, comme figures emblématiques de ces transformations : 1) le Parcours d’insertion ; 2) le Décret « missions ». Toutes deux se présentent comme des réponses « nouvelles » aux inégalités persistantes dans l’école et sur le marché du travail ; toutes deux tendent, néanmoins, à dissoudre la question de l’égalité des chances pour tous dans une pragmatique de l’inclusion sociale (l’égalité d’intégration). Individualisation, conditionnalisation, et territorialisation constituent les trois lignes de force de ce mouvement contradictoire qui semble transformer les équilibres entre « identité du nous » et « identité du je », reconfigurer, sous nos yeux, les liens d’interdépendance entre individus, Etats et marchés. Sur la base des apports théoriques de Norbert Elias, les auteurs s’efforcent de relier le phénomène sociogénétique de dépassement des « monopoles » nationaux au phénomène psychogénétique de déplacement de la contrainte de l’extériorité des dispositifs vers l’intériorité des personnes.