Abstract :
[fr] Les nombreuses pertes de vitalité observées sur le hêtre (Fagus sylvatica L.) un peu partout en Europe ont suscité des craintes grandissantes auprès des forestiers, en particulier quant au comportement futur de l’essence face au changement climatique.
Les recherches doctorales se sont intéressées à la relation entre le hêtre et son environnement dans le contexte des changements globaux par l’intermédiaire de la dendroécologie, association de la dendrochronologie et de l’écologie forestière. L’accroissement radial a été utilisé pour évaluer l’effet des changements globaux, et plus particulièrement du changement climatique, sur le développement et la vitalité du hêtre au cours du temps le long du gradient bioclimatique de Belgique. Les diverses analyses ont été réalisées à l’aide des outils dendrochronologiques (années caractéristiques, sensibilité moyenne, corrélations accroissement-climat, etc.) et par diverses approches de modélisation (modèles linéaires et non linéaires mixtes, régression des moindres carrés partiels, etc.) tout en considérant plusieurs échelles : l’arbre, le peuplement et la région.
Les résultats montrent que le climat a eu une influence prépondérante sur l’accroissement du hêtre depuis le milieu du 20ème siècle, d’une manière relativement uniforme à l’échelle de la Belgique. La sensibilité climatique du hêtre a augmenté, en particulier, sous l’effet de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des canicules estivales et sécheresses printanières. En parallèle, l’accroissement moyen a progressivement diminué suite aux fortes réductions d’accroissement annuel induites par les années climatiques stressantes. L’influence grandissante du climat a masqué l’effet des conditions stationnelles locales et a synchronisé l’accroissement le long du gradient bioclimatique. L’augmentation de la sensibilité climatique et la diminution de l’accroissement moyen sont plus marquées en plaine qu’en zone submontagnarde et, pour un site donné, les jeunes arbres sont moins sensibles que les vieux. Bien que la sensibilité augmente et que l’accroissement diminue naturellement avec l’âge, l’effet du changement climatique a été largement supérieur à celui de l’âge. Par ailleurs, au sein d’un arbre, le long de sa tige principale, la sensibilité climatique diminue légèrement depuis la hauteur de poitrine jusqu’à la base du houppier puis elle augmente fortement jusqu’au sommet.
Ces résultats sont interprétés sur base des connaissances sur l’écophysiologie du hêtre, à l’échelle de la Belgique mais aussi dans le contexte plus large de son aire de distribution. Les rôles relatifs de l’intensification de la sylviculture, de la compaction des sols et des retombées azotées (pollution atmosphérique), ainsi que les conséquences du changement climatique passé et futur sur le hêtre sont discutés. Des recoupements avec d’autres études sur le hêtre réalisées en Europe tendent à montrer que l’espèce est affectée sur la quasi-totalité de son aire de distribution (hormis en haute altitude et haute latitude). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le hêtre n’est donc pas seulement affecté à la limite Sud de sa distribution (Méditerranée). Même si les conditions environnementales sont plus favorables en Belgique, le hêtre y a aussi d’autant plus à perdre.
Jusqu’à aujourd’hui, le hêtre a résisté à son environnement changeant. Malgré l’augmentation de la sensibilité climatique et la diminution de l’accroissement moyen, les dépérissements observés durant ces dernières années en Belgique ont été peu fréquents et généralement isolés. Toutefois, au vu du changement climatique à venir, le risque phytosanitaire ne pourra qu’augmenter. La politique forestière devrait dès à présent intégrer ce risque et préparer les gestionnaires à anticiper et à prévenir.
[en] Health anomalies (e.g., worsening crown conditions) on beech (Fagus sylvatica L.) observed throughout Europe since the 1990s have raised growing concerns among foresters, particularly about the future behavior of the species in the face of climate change.
This PhD research examined the relationship between beech and its environment in the context of global changes using dendroecology, combination of dendrochronology and forest ecology. The radial growth was used to evaluate the effects of global changes, particularly climate change, on beech development and vitality over time along a bioclimatic gradient in Belgium. Various analyses were carried out using dendrochronological tools (pointer years, mean sensitivity, growth-climate correlation, etc.) and modeling approaches (linear and non-linear mixed models, partial least squares regression, etc.) considering several scales: tree, stand and region.
Results show that climate predominantly influenced beech growth since the mid-20th century and did so rather uniformly across Belgium. Beech mean sensitivity increased mainly in response to the higher frequency and intensity of summer heat waves and spring droughts. Isolated but pronounced annual growth reductions induced a gradual diminution of mean growth. The increasing influence of climate progressively concealed the effect of local site growing conditions inducing strong between-sites synchronization along the bioclimatic gradient. Increasing mean sensitivity and decreasing mean growth were more pronounced in lowlands than in uplands, and for a given site, older trees are more affected than younger ones. Although mean sensitivity increases and mean growth decreases naturally with age, the climate change effect was much more important than the age effect. Furthermore, within a tree, along the main stem, climate sensitivity slightly decreased from breast height to crown base and strongly increased from crown base to tree top.
These results were interpreted based on ecophysiological knowledge of beech. The influences of silviculture, soil compaction and nitrogen deposition (as part of atmospheric pollution) as well as the consequences of the past and future climate change on beech were discussed. Comparisons with other studies in Europe highlighted that beech is affected on a large part of its natural distribution range (except in high altitude and high latitude). Contrary to what one might think, beech is not only affected in the southern limit (Mediterranean). Although growing conditions are more favorable in Belgium, beech has also more to lose.
Beech has coped with global change up to now. Although its climate sensitivity increased and its mean growth decreased, diebacks observed these last years in Belgium were scarce and generally scattered. However, considering the upcoming climate change, the phytosanitary risk will undeniable increased. Forest policy should now integrate that risk and prepare managers to anticipate and prevent it.