Abstract :
[fr] La majeure partie des études sur le passé au XVIIe siècle se porte sur l’historiographie, sur la théorie de l’histoire et sur son écriture à cette époque. Grâce au développement de l’histoire des idées et de l’histoire culturelle, de nouvelles approches ont émergé. Pour l’histoire moderne française, elles prennent essentiellement la forme d’études de figures souvenirs et de leur prégnance dans une culture donnée. Mais deux postulats m’ont invitée à travailler autrement, hors des pratiques historiennes et sans choisir a priori de figures-souvenirs. Le premier tient à l’acquisition des savoirs historiques. La connaissance que possède une personne sur le passé de la communauté humaine résulte d’une multitude de vecteurs et de médias, de nature et d’objectifs divers, et, plus encore, elle résulte de leur croisement. Le second postulat provient des innovations en histoire des savoirs de ces dernières années : une société ancienne repose sur un système de pensée et sur une configuration des savoirs distincte de la nôtre. Pour travailler sur les savoirs sous l’Ancien Régime, il faut appréhender l’altérité d’un ancien régime des savoirs et, plutôt que de rechercher la généalogie de disciplines, regarder à l’œuvre ces savoirs mixtes, aux nombreuses ramifications, la manière de les créer, de se les approprier et de les utiliser.
Certes, Reinhart Koselleck et Kristof Pomian avaient déjà produit d’importants enseignements sur les processus. On a longtemps considéré qu’ils avaient probablement tout dit. Il fallait pourtant vérifier la percolation de ces enseignements au-delà des génies créateurs et des penseurs institués. Cette thèse étudie ces processus dans des opérations d’appropriation des savoirs historiques au sein des publics alphabétisés et la compréhension de ces savoirs en société : les pamphlets « historiés » de la Fronde, les conférences du Bureau d’Adresse de Théophraste Renaudot et des estampes ludiques – jeux de carte et jeux de l’oie historiques. Elle démontre le rôle de ces imprimés de forme brève comme lieux d’acculturation des savoirs historiques, mettant à disposition un prêt-à-penser sur le passé. S’inspirant des grilles de lecture des théories de la pensée complexe, développée entre autres par Edgar Morin, elle éclaire la pluralité des questions que se posaient les hommes de l’époque moderne sur leur passé, et les liens entre ces questions, leur lieu social d’émergence, les pratiques de la connaissance et les paradigmes culturels.