Acheter, cuisiner, transmettre. Diversification des choix alimentaires des familles marocaines en contexte migratoire.

Les études autour des cultures alimentaires contemporaines, menées dans le cadre de différentes disciplines, mettent en évidence le dynamisme interne et interrelationnels qui caractérise les gastronomies, plutôt qu’une « pureté » et « immobilisme » originels (La Cecla, 1998). Cependant, lorsqu’il s’agit d’analyser le rapport entre alimentation et migration, une essentialisation des habitudes se produit. Celles des migrants sont souvent considérées comme résistantes au changement, et elles deviennent les indicateurs de la disposition à « s’intégrer » à la société locale.
Dans ce contexte discursif, où différentes règles interagissent en déterminant l’inclusion ou l’exclusion des individus de certains groupes (la communauté majoritaire, la collectivité « saine » etc.), les familles issues de la migration vivent et exercent leur quotidien alimentaire. Bricoler avec ces règles surdéterminées leur permet d’exprimer une créativité qui se met en œuvre à plusieurs niveaux : celui de l’approvisionnement, celui de la préparation des repas, celui de la transmission des savoir-faire entre les générations.
Cette communication vise à présenter les données collectées au cours d’un travail de terrain ethnographique mené pendant dix-huit mois au milieu d’un groupe de femmes marocaines résidentes dans la province de Milan en Italie. Observations et entretiens ont été conduits à la fois dans les maisons et les espaces publics. Ils portaient sur les (micro)pratiques alimentaires entendues comme facteurs centraux dans la définition du soi, suivant une approche praxéologique à la subjectivation (Warnier, 2001). Grâce à cette analyse, il sera possible de constater qu’une culture alimentaire composite se redéfinit au niveau familial, bien qu’elle ne soit pas exemptée de l’effet de dynamiques culturelles, sociales, économiques et politiques plus amples et apparemment structurantes. On assiste à une diversification des pratiques. D’un côté, avec leurs déplacements pour faire leurs achats, femmes et hommes dessinent des chorégraphies complexes à l’intérieur de la ville, et ils engagent aussi une circulation transnationale des biens alimentaires. De l’autre côté, mères et filles puisent de savoirs différents pour faire face à leurs exigences, en s’appuyant sur une pluralité d’outils (mémoire incorporée, bouche à oreille, livres de recettes, internet). Ainsi, les familles continuent d’effectuer un choix actif en matière d’alimentation. L’analyse sera accompagnée par des supports visuels.