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Abstract :
[fr] Pourquoi les enfants que l'on dit avoir été adoptés par des animaux, qui ont connu le traumatisme d'un isolement total dans la nature ou une claustration prolongée suscitent-ils tant de fascination ? D'où vient, par exemple, que la presse d'aujourd'hui ait trop rapidement tendance à parler d'enfants sauvages à propos de cas de maltraitance ou de marginalisation d'un jeune, quand l'anthropologie ne semble plus s'en préoccuper ? On n'a pas toujours ni partout parlé d'enfants sauvages. C'est surtout en occident, pendant deux ou trois siècles (du 16° au 18°), qu'il est au coeur d'une recherche sur la nature de l'homme, sa sensorialité, sa stature, sa subsistance, la nécessité ou non de sa vie sociale, son esprit ou son langage. Qu'est-ce donc qui a pu faire émerger comme un modèle, impliquant l'ensemble des connaissances - philosophie, science politique, droit, histoire naturelle, médecine et psychologie -, ce qui n'était resté longtemps qu'une curiosité assez anecdotique et qui a fini par redevenir un fait divers ? Sans refaire une histoire critique des témoignages, ni trancher l'alternative sommaire entre sauvagerie et déficience mentale, on entreprend ici l'archéologie conceptuelle de cette figure essentielle. Comment est-on passé de la fable, des mythes, des contes, des textes sacrés ou des hagiographies, ou encore des curiosités naturelles, au questionnement sur les origines: celles des langues, des sociétés, de la culture, de l'homme? Comment les enfants sauvages ont-ils été utilisés par la pensée occidentale comme un instrument de projection jusqu'à représenter la faille ou la caution des valeurs de la culture?