[fr] Dans Sprache und Mythos (1924), Cassirer se consacre essentiellement au problème du langage : la sphère linguistique serait tendue entre deux pôles – celui du mythe, qui constitue l’étape primitive originaire de toute activité symbolique, et celui du logos, qui en constitue l’idéal régulateur. À y regarder de près, Cassirer constate que la création des noms de dieux – activité linguistique sur laquelle porte principalement son étude – n’obéit pas strictement à la pensée logique mais davantage au mode de pensée mythique. Comme le philosophe le démontre avec acuité, ce mode spécifique de pensée n’a pas été totalement balayé par la rationalité rigoureuse. Toute l’originalité critique de son projet tient à la finesse de ce constat : la raison moderne continue à être traversée par des principes mythiques. Convaincu du développement téléologique de la culture, Cassirer n’a néanmoins jamais évincé la complexité des trajectoires suivies par la pensée (avec leurs hésitations, leurs retours en arrière, leurs balbutiements de toutes sortes ). Il a su proposer un modèle en tension, intégrant les zones les plus troubles du développement humain. Dans La philosophie des formes symboliques, Cassirer rappelle – entre autres exemples – que les débuts de la philosophie furent marqués par la cosmogonie mythique, ou que les sciences naturelles bâtirent leurs concepts (« force », « vie », etc.) sur un fonds de croyances latentes. Aussi, la progression à plusieurs vitesses entre conscience mythique et conscience scientifique incite-t-elle Cassirer à parler de zones de transition « semi-mythiques » . Si un idéal régulateur guide le développement de l’homme, rien ne garantit que les voies empruntées soient effectivement déterminées par cet idéal. À aucun moment, le destin intellectuel de l’humanité n’est scellé par un déterminisme irrévocable.
Disciplines :
Philosophy & ethics
Author, co-author :
Hagelstein, Maud ; Université de Liège - ULiège > Département de philosophie > Esthétiques phénoménologiques et esth. de la différence