Abstract :
[fr] Le Laboratoire d’Ecologie Végétale et Microbienne de l’Université de Liège a réalisé une recherche d’intérêt général ayant pour objet l’appréciation d’indicateurs biologiques permettant d’évaluer la qualité des sols. Cette étude a été financée par le Service Public de Wallonie (SPW). Les données et les résultats de la présente convention sont la co-propriété du Service Public de Wallonie et du Laboratoire d’Ecologie Végétale et Microbienne (Prof. M. Carnol) de l’Université de Liège.
Objet de la recherche :
Les objectifs de ce projet sont l'appréciation d'indicateurs biologiques permettant d'évaluer la qualité des sols en réalisant :
- Une recherche et synthèse bibliographique des études récentes sur la qualité biologique des sols, des techniques de mesure disponibles et de leurs conditions d'applications. Une attention particulière sera portée sur les indicateurs adaptés aux types de sols wallons, aux pratiques courantes de gestion des sols et aux problèmes environnementaux auxquels la Wallonie est le plus souvent confrontée (pollution par les métaux lourds, les HAP, les hydrocarbures). Cette synthèse permettra d'améliorer nos connaissances sur la pertinence de certaines mesures biologiques comme outil d'évaluation de la qualité des sols.
- Un état des lieux des outils d'évaluation de la qualité biologique des sols dans les pays/régions voisins et de leur utilisation dans le cadre de politiques de gestion et/ou de protection des sols. Cet état des lieux a pour but d’explorer et d’analyser le cadre politique ainsi que les objectifs stratégiques poursuivis dans chacun des pays, les caractéristiques générales des différents réseaux existants, les indicateurs mis en œuvre ou suggérés, ainsi que les bases scientifiques justifiant le choix de ces indicateurs.
- Une analyse de l'aptitude des outils identifiés aux points 1 et 2 à prédire la capacité des sols à remplir leurs fonctions écologiques, en ciblant trois domaines d'action de ces outils : sols forestiers, sols agricoles et sols potentiellement pollués.
- Une évaluation des outils identifiés aux points 1 et 2 selon les critères suivants : sensibilité, reproductibilité, possibilité d'utilisation en routine, facilité d'interprétation, coût.
- Des propositions pour la suite des travaux de recherche (liens avec la politique des sols, perspectives de recherche).
Méthodes mises en œuvre :
Pour la synthèse bibliographique, deux bases de données pertinentes dans le domaine des sciences du vivant et du sol (ISIWeb of Knowlege et ScienceDirect) ont été consultées. Les publications pertinentes dans le cadre de l’étude de la qualité des sols au moyen d’indicateurs biologiques ont été consultées afin de répertorier les indicateurs les plus étudiés et de synthétiser les données concernant la sensibilité de ces indicateurs vis-à-vis des pratiques de gestion agricole et forestière, de l’occupation des sols et de diverses pollutions. D’autres données relatives aux méthodologies employées, à la reproductibilité et l’interprétabilité des mesures on été acquises lors de cette recherche bibliographique. Concernant l’ état des lieux à propos des outils d'évaluation de la qualité biologique des sols existant dans les pays/régions voisin(e)s de la Belgique/Wallonie- réalisé par le bureau d’études RamSes-, le travail s’est effectué par exploration de la documentation technique spécialisée et par enquête. La pré-sélection des indicateurs pertinents pour l’application en Wallonie s’est effectuée sur base d’une approche numérique procédant par itération en considérant à la fois la pertinence et l’applicabilité des indicateurs (critères scientifiques), leur utilisation dans des réseaux existants, ainsi que des critères purement méthodologiques.
Résultats :
Sur base des définitions de la qualité des sols et des indicateurs biologiques, on peut considérer un indicateur biologique de la qualité d’un sol comme étant un organisme ou un processus biologique qui est l’indice précoce de modifications de l’environnement et dont les valeurs fournissent une information sur la capacité d’un sol à fonctionner comme un système vivant, au sein d’écosystèmes naturels ou gérés, dans le but de maintenir la productivité biologique, de maintenir ou d’augmenter la qualité de l’eau et de l’air et de promouvoir la santé des animaux, des végétaux et humaines.
Après un inventaire de la diversité biologique des sols, nous nous sommes intéressés aux caractéristiques et occupations des sols en Wallonie pour aboutir à une sélection de combinaisons type de sol/type d’occupation pertinents dans le cadre d’un réseau de surveillance de la qualité biologique des sols. De plus, en fonction des types d’usage rencontrés en Wallonie, nous avons considéré les services écosystémiques majeurs remplis par le sol afin de pouvoir juger de la pertinence des indicateurs c'est-à-dire de leur capacité à intervenir dans les différents services rendus par le sol au travers de processus ou d’éléments biotiques avec comme bénéfices attendus la production de nourriture ou de fibre ainsi que le maintien d’un environnement sain.
L’état des lieux des outils d’évaluation de la qualité biologique des sols dans les pays/régions voisins souligne que plusieurs pays en Europe –parmi lesquels les Pays-Bas, la Suisse, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Tchéquie – ont mis en œuvre une démarche globalement similaire pour développer un système d’indicateurs et mettre en place un réseau de surveillance de la qualité biologique et/ou sur la biodiversité des sols de portée nationale. Ces démarches procèdent par étapes successives, à savoir : définition des objectifs du réseau de surveillance, propositions d’indicateurs (relevés bibliographiques), étape de pré-sélection de ces indicateurs, test de ces indicateurs et acquisitions de données de base (valeur de référence). Les réseaux mis en place poursuivent des objectifs stratégiques de surveillance et/ou de prévention mais aussi des objectifs scientifiques d’acquisition de données concernant la composante biologique des sols et ses fonctions spécifiques. Actuellement, seuls les Pays-Bas ont un réseau de surveillance de la qualité biologique des sols déjà en place et fonctionnel au niveau national. Les réseaux dans les autres pays sont soit au stade de test, soit fonctionnels à l’échelle régionale.
En intégrant les données acquises au cours de cette recherche bibliographique et au cours de l’état des lieux des outils d’évaluation de la qualité biologique des sols dans les pays/régions voisins, les indicateurs biologiques de la qualité du sol sont majoritairement des paramètres microbiens. Les paramètres faunistiques sont moins fréquemment usités. Il ressort, également, de cet inventaire et de notre recherche bibliographique que les méthodes à développer et à mettre en place en Wallonie doivent se fonder sur une délimitation aussi claire que possible des objectifs poursuivis par les législateurs.
En considérant, à l’issue de la recherche bibliographique, les critères de pertinence, d’applicabilité et de méthodologie, combinés à l’utilisation de l’indicateur dans des réseaux existants et à la consultation d’ouvrages de référence, nous avons pu mettre en avant six paramètres microbiens pertinents dans le cadre de la qualité des sols wallons, en tenant compte de l’usage agricole, forestier et urbain. Il s’agit de la biomasse microbienne, de paramètres relatifs à l’activité des micro-organismes du sol à savoir la respiration basale et la minéralisation nette de l’azote, et des indices écophysiologiques. Nous privilégions plutôt l’étude de la diversité fonctionnelle que celle de la diversité structurelle, car le lien entre la structure de la communauté microbienne et la fonction est encore mal établi. Ces différents paramètres sont d’ailleurs couramment employés/ recommandés comme indicateur biologique de la qualité des sols dans différents programmes de suivi des sols existant. Afin de prendre en considération la recommandation de l’union européenne suggérant d’intégrer des paramètres faunistiques dont l’étude de régulateurs biologiques (nématodes ou collemboles) et d’ingénieurs de l’écosystème (vers de terre) au programme de suivi des sols, nous proposons d’étudier le nombre et la biomasse des vers de terre comme paramètre faunistique, en raison de la simplicité d’étude de ce paramètre en comparaison de la complexité d’étude de la faune du sol au niveau taxonomique. L’application et le développement de politiques dans le cadre du décret relatif à la gestion des sols requièreront la mise en place d’indicateurs (notamment biologique) concernant la qualité des sols. Actuellement, aucune étude belge /wallone ne concerne l’étude de la qualité des sols de notre pays/région. D’autres pays européens (Pays-Bas, Allemagne, Italie, Tchéquie, la Hongrie, l’Autriche, ….) ont quant à eux débuté la mise en place du suivi de la qualité des sols faisant intervenir les indicateurs biologiques.
Sur le plan opérationnel des perspectives tracées par le Plan d’Environnement pour le Développement Durable de 1994, qui prévoit « d'améliorer la connaissance et le suivi de la qualité des sols », il ressort de la revue d’état des lieux que la mise en œuvre fonctionnelle d’un réseau de mesures biologique cohérent est un processus lent, qui peut s’étaler sur 10 à 15 années. Cependant, les expériences – notamment en Grande-Bretagne - montrent également que les programmes de monitoring peuvent aussi s’initier de façon relativement simple, avec un nombre limité d’indicateurs et de points de mesure, et se complexifier par la suite en intégrant les résultats des efforts de recherche et pour la standardisation des méthodes. Sur base des éléments fournis conjointement à l’issue du travail d’analyse des indicateurs de la littérature et de l’état des lieux dans les pays et régions voisins, il est possible désormais de définir les principes d’un réseau minimum de démarrage et de définir les bases et méthodes de travail à développer par la suite pour consolider et étendre ce premier réseau.
[en] The Laboratory of Plant and Microbial Ecology of the University of Liege conducted a research of public interest focusing on the assessment of biological indicators for the evaluation of soil quality. This study was funded by the ’Service Public de Wallonie (SPW)’. Data and results are co-owned by the Service Public de Wallonie and the Laboratory of Plant and Microbial Ecology (Prof. M. Carnol), University of Liege.
Research objectives :
The objectives of this project were the assessment of biological indicators to estimate soil quality through :
- A review and synthesis of recent scientific literature on biological soil quality, available methods and conditions of applicability. Particular attention will be paid on indicators relevant to the type of Walloon soils, to common soil management practices and environmental problems encountered in Wallonia (pollution by heavy metals, PAHs, hydrocarbons). This review will improve our knowledge on the relevance of some biological measures as tools for assessing soil quality.
- An inventory of tools used for assessing the biological soil quality in neighbouring countries/regions and their use in management policies and / or soil protection. This inventory aims at exploring and analyzing the political and strategic objectives pursued in each country, the general characteristics of the different existing monitoring networks, the indicators used or suggested, as well as the scientific justification of these indicators.
- An analysis of the appropriateness of the tools identified in the two first objectives to predict the capacity of soils to perform their ecological functions, targeting agricultural, forest and potentially polluted soils.
- An assessment of the sensitivity, reproducibility, possibility of routine use, ease of understanding and cost of the selected tools.
- Suggestions for future research (link to soil policy, research opportunities).
Methods :
For the literature review, we used two relevant databases for life and soil science (ISIWeb of Knowledge and ScienceDirect). Publications related to the assessment of soil quality through biological indicators were consulted in order to synthesize most frequently used indicators and their sensitivity to farm or forestry management, land use or pollution. Data on methodology, reproducibility and interpretability have also been synthesized. The inventory of tools used for assessing the biological quality soil in neighbouring countries/regions (realised by Ram-Ses), was performed through he exploration of technical and specialized publications and by inquiry. Pertinent indicators for the Walloon region were pre-selected through an iterative numerical approach taking into consideration the relevance and applicability of the indicators, their use in existing monitoring networks, and some methodological criteria.
Results :
Based on the definitions of soil quality and biological indicators, we can consider biological indicators of soil quality as organisms or biological processes reflecting a modification of the environment and whose values give information about the capacity of soil to function, within natural or managed ecosystem boundaries, to sustain plant and animal productivity, maintain or enhance water and air quality, and support human health and habitation.
After an inventory of soil biodiversity, we focused on soil characteristics and land use types to define the most relevant combinations of soil type/land use in the Walloon region. Furthermore, we considered the major soil ecosystem services provided by the most frequent land use types in Wallonia for evaluating the capacity of potential indicators to reflect these services through biota and biotic process (with benefits such as the production of food or fiber as well as maintaining a healthy environment).
The inventory of tools used for assessing the biological soil quality in neighbouring countries/regions underlines that several European countries- including the Netherlands, Switzerland, France, the United Kingdom, Germany, Italy, Austria, Hungary, Czech Republic - have followed a broadly similar approach for developing indicators and establishing a monitoring network of the biological soil quality and / or soil biodiversity within a national scope. These approaches proceed by successive stages: definition of the objectives of the monitoring network, suggestion of indicators (literature revue), pre-selection of indicators, test of indicators and data acquisition (reference values). The established networks pursue strategic monitoring and / or prevention objectives, as well as scientific objectives such as data acquisition on the biological component of soils and its specific functions. Currently, only the Netherlands has a functional monitoring network at national level. Networks in other countries are either at the stage of test, or functional at the regional scale.
The integration of the literature review and the inventory in neighboring countries/region, revealed that biological indicators of soil quality are mostly microbial parameters. Faunal parameters are less frequently used. Results also highlighted that the framework for developing a soil monitoring network in the Wallonia requires a clear definition of the objectives pursued by the legislator.
Taking into account the literature review, the criteria of relevance, applicability and methodology, combined with the use of the indicator in existing networks and the consultation of reference books, we highlight six microbial parameters relevant in the context of soil quality in Wallonia, taking into account three major land use types (agriculture, forestry and urban). They are the microbial biomass, parameters related to the activity of soil microorganisms, namely basal respiration and net nitrogen mineralization, and ecophysiological indices. We recommend the study of functional diversity rather than structural diversity, because the link between microbial community structure and function is not yet well established. These parameters are also commonly used or recommended as biological indicators of soil quality in different soil monitoring networks. In line with the recommendations of the European Union, suggesting the integration of faunal parameters such as biological regulators (nematodes or collembola) and ecosystem engineers (earthworms) in soil monitoring programs, we suggest the number and biomass of earthworms , because of its simplicity in comparison to the study of soil fauna in taxonomic level. The application and policy development under the decree on soil management requires the establishment of indicators (including biological indicators) on soil quality. Currently, no Belgian / Walloon study exist on soil quality in our country / region. Other European countries (The Netherlands, Germany, Italy, Czech Republic, Hungary, Austria, ....) have begun setting up the monitoring of soil quality involving biological indicators.
In relation to operational plans outlined by the ‘Plan d’Environnement pour le Développement Durable’ (Environmental Plan for Sustainable Development) in 1995, which intends “to improve the knowledge and the monitoring of soil quality”, it is clear from the inventory in neighboring countries that the establishment of a functional monitoring network is a slow process, spreading out over 10 to 15 years. However, experience- particularly in Great Britain- also reveals that a monitoring network can be initiated realtively easily, with a limited number of indicators and sampling points, and subsequently become more complex by integrating research results and from method standardization. Based on the evidence provided by the outcome of literature review and the inventory of tools used in neighboring countries, it is now possible to define the basic principles of a first monitoring network and define the basis and working methodology to consolidate and extent this first network.