Abstract :
[fr] Le choix fait par la Belgique d’intégrer après la Première Guerre mondiale les rangs
des organisations internationales et la détente de ses rapports avec l’Allemagne à
partir du traité de Locarno a mené tout naturellement les autorités du pays à modérer
progressivement leur rhétorique revancharde et à adopter un discours mêlant désormais
subtilement nationalisme et internationalisme. La transposition de cette politique de
compromis dans l’enseignement belge est un phénomène complexe que nous étudions
dans cet article en nous attardant tout spécialement sur la mémoire de la guerre 14-18
dans les manuels scolaires et en étudiant ses enjeux au niveau politique, académique
et pédagogique.
Sur le plan politique, les circulaires ministérielles montrent que le gouvernement
belge a accueilli favorablement la propagande pacifiste sans pour autant cesser toute
propagande patriotique. Sur le plan académique, le rapport rédigé par le professeur de
l’ULB Frans Van Kalken, au nom du Comité national belge des sciences historiques, en
vue du Congrès international sur l’enseignement de l’histoire tenu à la Haye en 1932,
montre bien les préventions des milieux historiques belges à l’égard des propositions
avancées par les pédagogues ‘internationalistes’ pour la révision de l’histoire de la
Première Guerre mondiale.
Sur le plan pédagogique, la procédure de révision des manuels scolaires mise en place
par la Société des Nations – procédure Casarès – n’aura porté ses fruits en Belgique qu’à
une seule occasion. De même, malgré l’activisme des nombreuses organisations pacifistes
gravitant dans l’orbite de la SDN, comme par exemple la dotation Carnegie pour la paix
internationale, leur volonté de réviser, entre autres, la littérature scolaire belge va être
confrontée au départ à une inertie de la part des auteurs de manuels, principalement
du côté francophone. Les auteurs belges sont peu au fait des critiques internationales
et les changements opérés dans leurs manuels après 1926, vraisemblablement à la suite
des directives émanant du ministère des Sciences et des Arts, ne seront pas toujours
à la mesure des espérances pacifistes. À ce titre, les difficultés inhérentes à la révision
des manuels scolaires en Belgique illustrent parfaitement les spécificités de la mémoire
belge relative à la Grande Guerre, peu adaptable aux canons de la nouvelle morale
internationale.