Abstract :
[fr] La protection à long terme des ressources en eau souterraine implique d’étudier le comportement de l’eau et des éventuels contaminants qu’elle véhicule depuis l’entrée dans le milieu souterrain (recharge) jusqu’à l’exutoire naturel (émergence, cours d’eau) ou forcé (pompage) de la nappe. Au cours de ce transit, de nombreux phénomènes d’origine physique ou chimique sont susceptibles d’affecter la mobilité et les concentrations du ou des contaminants. Il s’agit donc de tenir compte du pouvoir atténuateur, retardateur, voire auto-épurateur du milieu souterrain à leur égard, les conséquences pouvant être positives (dispersion, dilution, dégradation du contaminant) ou négatives (difficultés de reprise du contaminant, impact à long terme de la contamination, …).
L’objectif de cette recherche est de développer une approche conceptuelle et mathématique visant à l’étude in situ et à la modélisation de la mobilité et du piégeage temporaire ou définitif des solutés au sein du milieu souterrain variablement saturé en eau. Une classification des processus physico-chimiques influençant la mobilité des solutés est proposée, reposant sur trois critères : (1) un distinction entre processus « microscopiques », ayant cours à l’échelle de quelques pores et processus « macroscopiques », ayant cours à l’échelle du terrain ; (2) une distinction entre processus physiques (affectant tout type de contaminant, indépendamment de sa nature chimique) et processus chimiques (affectant certains contaminants, en fonction de leurs propriétés chimiques spécifiques) ; (3) une distinction entre processus à l’équilibre (indépendant du temps) et processus cinétiques (dépendant explicitement du temps). Sur base de cette analyse, le modèle conceptuel considéré comporte trois éléments principaux : l’advection, la dispersion hydrodynamique et un processus de stockage-déstockage de soluté au sein d’une phase immobile liquide (effet d’eau immobile) ou solide (sorption cinétique), représenté par une équation de transfert de premier ordre. Suivant le schéma conceptuel, les adaptations et développements réalisés au sein du code éléments finis SUFT3D, en vue de permettre la simulation du comportement d’un soluté dans le milieu souterrain variablement saturé, sont décrits.
La détermination des paramètres gouvernant les processus de migration et de piégeage des solutés repose sur l’interprétation d’essais de traçage réalisés in situ, en milieu saturé et non saturé. Une part importante de la recherche a donc été consacrée à l’amélioration des techniques de traçage et d’interprétation des résultats en termes d’évolution de la concentration et d’évolution de la masse restituée du traceur, cette dernière étant plus adaptée à l’évaluation et à la quantification des effets de retard. En vue de représenter de manière plus physique et plus précise l’injection d’un traceur, une nouvelle approche conceptuelle, mathématique et numérique est élaborée, considérant explicitement les interactions puits – aquifère. A l’aide de ce modèle, divers tests numériques démontrent l’impact des conditions d’injection du traceur sur les résultats de traçage, pouvant potentiellement conduire à des erreurs d’interprétation en termes d’identification des processus agissant et de quantification des paramètres calibrés. En vue d’une interprétation correcte des résultats de traçage, le contrôle des conditions d’injection est donc primordial.
Deux études expérimentales servent de base et d’illustration aux développements réalisés. Une campagne d’essais de traçage en milieu saturé a été réalisée dans la plaine alluviale de la Meuse, à Hermalle-sous-Argenteau. Ces essais permettent de valider et d’illustrer l’approche développée en vue de représenter précisément l’injection des traceurs et les interactions puits – aquifère, de mettre en évidence une série de problèmes conceptuels et pratiques rencontrés lors de la réalisation des essais de traçage, d’examiner le comportement chimique de plusieurs traceurs artificiels et de mettre en évidence les propriétés hydrodispersives des formations alluviales. La deuxième étude a eu pour objectif d’étudier les mécanismes de migration de substances dissoutes au sein de la zone non saturée surmontant la nappe aquifère des craies en Hesbaye. Les résultats de ces tests permettent de proposer une approche unifiée visant à représenter le comportement hydrodynamique et hydrodispersif des craies fissurées sous des conditions variables de recharge, donc de saturation en eau. Cette étude permet également de mettre en évidence le lien entre les propriétés physiques et hydrodynamiques des limons éoliens en Hesbaye.
[en] The long term protection of groundwater resources implies to study the behaviour of water and contaminants as soon as they penetrate in the underground (recharge) until they leave it at natural outlets (discharge in surface water bodies, springs, …) or at artificial extraction points (pumping wells, …). During this residence in the underground, many physical and chemical processes are likely to play a role on contaminant mobility. The attenuation, retardation and auto-purification capacities of the underground medium have thus to be quantified and considered. Consequences of their effect on contaminant behaviour can be positive (contaminant dispersion, dilution, degradation, …) or negative (difficulties to recover the contaminant, long-term impact of the contamination, …).
This research aims at providing a conceptual and mathematical framework for studying on the field and for modelling the migration and retardation of solutes in variably saturated underground media. A classification of physico-chemical processes is proposed, based on three main criteria : (1) a differentiation between “microscopic” processes, playing a role at pore-scale and “macroscopic” processes, playing a role at field scale, (2) a distinction between physical processes (affecting any kind of contaminant, independently from its chemical nature) and chemical processes (affecting some contaminants, according to their specific chemical properties), (3) a distinction between equilibrium processes (independent of time) and kinetic processes (explicitly dependent of time). On that basis, the conceptual model includes three main compounds : advection, hydrodynamic dispersion and a mass exchange process between the mobile water and an immobile phase of aqueous (dual porosity effect) or solid (kinetic sorption) nature. Within this conceptual framework, developments and adaptations made in the SUFT3D code in order to model the behaviour of a contaminant in the variably saturated underground are presented.
The evaluation of hydrodispersive parameters governing the migration and the capturing of contaminants relies on the interpretation of field tracer tests, conducted under variably saturated flow conditions. An important part of the research has thus been devoted to an improvement of tracer test techniques and interpretation, more particularly in terms of concentration and mass recovery evolutions, the latter being more appropriate for evaluation and quantification of retardation processes. In order to model more physically and accurately the tracer injection, a new conceptual, mathematical and numerical approach has been developed, considering explicitly well-aquifer interactions. Using this model, numerical tests show the impact of tracer injection conditions on tracer test results, possibly leading to wrong interpretation in terms of both processes identification and parameters quantification. In order to make a correct interpretation of tracer test results, the control of tracer injection conditions is thus essential.
Two experimental studies illustrate the developments of this work. A multi-tracer test experiment was conducted under saturated conditions in the sediments of the alluvial plain of the river Meuse at Hermalle-sous-Argenteau. The results of these tests allow to validate and to illustrate the approach developed in order to model accurately tracer injection and well-aquifer interactions, to highlight other practical and conceptual problems encountered when conducting the experiments, to examine the chemical behaviour of several artificial tracers and to quantify the hydrodispersive properties of alluvial deposits. The objective of the second field experiment was to identify and to quantify solute migration mechanisms in the unsaturated zone overlying the chalk aquifer in the Hesbaye Region. These results allow to suggest a unifying conceptual and mathematical approach in order to represent the hydrodynamic and hydrodispersive properties of fissured chalk under variably saturated conditions. They also show the impact of physical properties of aeolian loess materials on their hydrodynamic properties.