Abstract :
[fr] Nous synthétisons dans cet ouvrage divers travaux de recherche que nous avons réalisés au cours des quinze dernières années, en rapport avec la modélisation de l’évolution passée du cycle du carbone. Le texte est subdivisé en deux parties principales.
La première partie vise à décrire à l’aide de modèles géochimiques l’évolution du niveau de CO2 dans l’atmosphère terrestre au cours des âges géologiques. Ces modèles sont basés sur le bilan à long terme des sources et puits de carbone du système externe de la Terre que constituent l’océan et de l’atmosphère. A ces échelles de temps, l’altération des silicates joue un rôle déterminant, comme puits de CO2 atmosphérique. Un problème central de la modélisation consiste donc à établir des lois cinétiques réalistes pour représenter le flux global d’altération des silicates. Un facteur majeur influençant ce flux est l’érosion physique. Le soulèvement des grandes chaînes de montagne, comme l’Himalaya et les Alpes, a fortement accru les taux moyens d’érosion physique à la surface de la Terre au cours du Cénozoïque. Ces changements auraient augmenté le puits de CO2 atmosphérique que représente l’altération chimique des silicates, conduisant au refroidissement global observé au Cénozoïque. Dans nos modèles, nous proposons diverses reconstructions de l’évolution du flux global d’altération des silicates au cours du Cénozoïque (ou du Phanérozoïque). Ces modélisations suggèrent qu’au Cénozoïque, ce flux a surtout augmenté à partir de 15 Ma. Il est possible sur base de ces modèles de reconstruire une histoire du CO2 qui est relativement cohérente avec les enregistrements des proxy-données. Le flux global d’altération des silicates dépend également du type de roches altérées. Ainsi, les basaltes s’altèrent beaucoup plus rapidement que les granites. Nous montrons que, pour cette raison, la mise en place d’épanchements basaltiques de grande taille, dont les exemples sont nombreux dans l’histoire de la Terre, a dû avoir un impact marqué sur le CO2 et le climat.
La seconde partie rassemble des travaux de modélisation qui nous ont permis de reconstruire l’état de la végétation sur les continents à diverses époques du passé. Ces modélisations ont été réalisées à l’aide du modèle dynamique global de végétation CARAIB que nous avons développé en collaboration avec plusieurs chercheurs du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire de l’Université de Liège. Nous illustrons ces travaux à l’aide de reconstructions de la végétation à l’Holocène Moyen (6 ka), au dernier maximum glaciaire (21 ka) et au Miocène tardif (8 Ma). Les travaux relatifs au dernier maximum glaciaire se sont surtout concentrés sur l’évaluation du stock de carbone de la biosphère terrestre, ainsi que sur la distribution et l’abondance des plantes en C4 à cette époque. L’étude du Miocène tardif analyse les changements par rapport à l’actuel de la distribution calculée des biomes ou des types de plantes, particulièrement en Europe où une comparaison avec les données de paléovégétation est possible. Dans l’avenir, les modèles de végétation pourraient être couplés à des modèles à long terme du cycle du carbone, semblables à ceux décrits dans la première partie de ce travail, en vue de calculer le transfert de carbone organique des continents vers les océans et d’évaluer les flux de dépôt sur les marges continentales. Ce processus, qui constitue aussi un puits majeur de carbone pour le système externe, a également joué un rôle de premier plan dans l’évolution passée du CO2 atmosphérique et du climat.