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Abstract :
[fr] Parmi les nombreux courants de pensée issus de la pédagogie critique, il en est un qui commence à se faire une place dans le champ de la recherche en philosophie de l’éducation en Europe(1) : celui qui s’intéresse à la figure de l’enfant comme minorité (aux côtés d’autres minorités, liées à la classe, à la " race ", au genre), devant elle aussi être défendue face à divers pouvoirs oppresseurs (parents, professeurs, juges, psy, pédagogues ...). Puisant ses racines dans les mouvements militants des années 70 (Firestone, 1972 ; Schérer et Hocquenghem, 1976 ; Rochefort, 1979), dans la foulée des travaux historiques de Philippe Ariés (Ariès, 1960), cette question resurgit aujourd’hui avec force et s’incarne dans divers mouvements contemporains : les mouvements pour la libération de l’enfance ; pour une enfance majeure (Schérer, 2006) ; contre la domination adulte (Bonnardel, 2019) ; contre la gérontocratie (Charbonnier, 2022) ; contre l’" infantisme " (Benoît, 2023) ; contre les violences éducatives ordinaires (VEO) ; contre ou pour les droits de l’enfant (Renaut, 2002). Sans prétendre couvrir l’ensemble de ce large spectre, nous souhaitons plutôt creuser en particulier les travaux qui mettent en avant la notion d’infantilisation et pointent ses manifestations, plus ou moins larvées, décelables dans nos institutions, nos discours, nos pratiques, et jusque dans nos comportements les plus privés (en famille). Sans nécessairement adhérer aux thèses ainsi recueillies, nous voudrions néanmoins exploiter leur radicalité et tester leur caractère opératoire en éprouvant leur puissance critique sur un terrain qui leur est a priori étranger, à savoir les pratiques du dialogue philosophique avec les enfants. À partir des critiques virulentes émises contre les pouvoirs oppresseurs de l’enfance et leurs mécanismes, et sur base des critères identifiés pour parler d’infantilisation, nous interrogerons certaines pratiques du dialogue philosophique- telles que nous avons pu les observer ou telles qu’elles sont décrites dans les ouvrages de didactique de la philosophie (Gagnon, 2016 ; PhiloCité, 2020)– pour analyser dans quelle mesure elles confirment ou déjouent ces critiques. Nous tacherons ainsi de déterminer à quelles conditions le dialogue philosophique peut échapper au reproche d’infantilisation, espérant ainsi contribuer à améliorer cette pratique en éclairant quelques-uns de ses points aveugles et en accroissant son potentiel émancipateur. (1) Cf. par exemple le colloque organisé les 3 et 4 octobre 2024 à l’Université de Limoges intitulé : " Misopédie : La domination adulte dans les discours contemporains artistiques, scientifiques politiques et médicaux ".