Abstract :
[fr] Lorsqu’une dizaine d’expert·e·s germanophones de l’œuvre d’Henri Meschonnic, de la traduction et/ou de la théorie littéraire ont décidé, en 2018, de travailler ensemble à la traduction et au commentaire d’œuvres choisies de ce théoricien du langage, poète et traducteur encore largement méconnu dans les pays germanophones, ils·elles se sont d’emblée entendu·e·s sur un point : l’écriture de Meschonnic, souvent caractérisée comme saccadée, elliptique ou orale, est inséparable de sa pensée, il faudra donc traduire son « rythme », c’est-à-dire : « mettre en œuvre » (comme le dit HM dans Poétique du traduire) non seulement ce que disent les textes mais aussi ce qu’ils font.
Toutefois, il s’est vite avéré que cet accord de principe ne débouchait pas nécessairement dans des solutions de traduction convergentes – au contraire ! Les traducteurs·rices sont arrivé·e·s à des conclusions très différentes sur la meilleure manière de rendre le rythme meschonnicien. Par conséquent, les débats sur les présupposés liés aux différents parcours académiques suivis par chaque membre du groupe ont pris une place importante dans les rencontres.
Dans mon exposé, je présenterai un projet collectif de transfert de théorie mené sur plusieurs années. Dans sa première partie, je détaillerai les raisons pour lesquelles l’œuvre de Meschonnic, contrairement à celle de nombreux autres théoriciens français, n’a été transmise qu’avec beaucoup de retard dans l’espace linguistique allemand. Je tenterai également d'expliquer pourquoi son œuvre suscite actuellement un nouvel intérêt. Ensuite, j’expliquerai le fonctionnement du groupe de travail et donnerai des exemples textuels pour illustrer les conflits traductologiques survenus entre ses membres. Pour conclure, j’aimerais tirer un bilan personnel de ce projet : quel est pour moi le rapport entre le travail de traduction collaboratif et l’étude individuelle d’un texte complexe de sciences humaines ?