Abstract :
[fr] Cette contribution propose une relecture multidimensionnelle du tableau de la Conférence de Somerset House (1604) en analysant ses implications politiques, diplomatiques et théologiques dans le contexte des tensions géopolitiques entre l’Angleterre et l’Espagne au début du 17e siècle. J’y explore les dimensions temporelles, spatiales et textuelles de l’œuvre comme une synthèse des arcanes de l’État en intégrant des problématiques liées à la diplomatie, au commerce maritime et à la souveraineté. Le tableau, sur lequel je travaille depuis plusieurs années, est interprété comme un instantané condensant les longs mois de négociations entre les délégations anglaises et hispano-flamandes, tout en montrant la complexité du processus diplomatique (conflits internes, décalages temporels, etc.). Les dispositifs visuels (écritoire, kilim, marges de la tapisserie) incarnent les enjeux stratégiques, le pouvoir souverain et les nouveaux acteurs de la bureaucratie. L’article établit un lien entre la continuité dynastique Tudor-Stuart et l’imaginaire politique, à travers des références allégoriques à David et Urie, soulignant les tensions entre duplicité et souveraineté divine. La mention de dates clés (1560, 1604) articule une réflexion sur l’histoire longue des relations anglo-flamandes et la réorganisation des espaces de pouvoir. Le tableau est décrit comme un outil performatif visant à pacifier et réorganiser l’ordre politique européen post-conflictuel, tout en reflétant les ambitions maritimes anglaises, notamment le monopole commercial des Merchant Adventurers. Les textures symboliques (kilim et tapisserie) évoquent la projection impériale et commerciale anglaise dans les sphères européennes et orientales. L’œuvre est positionnée comme une méditation sur la nature double du pouvoir souverain, entre visibilité et occultation, incarnée dans la centralité des arcanes de l’État et la naissance d’une bureaucratisation moderne. La dépersonnalisation progressive des envoyés espagnols en « figures » abstraites illustre la transition vers un pouvoir administratif et scriptural. Cette contribution s’inscrit dans un vif débat historiographique sur l’attribution et la signification du tableau, proposant une hypothèse novatrice liant son exécution à la cour de Jacques Ier et en rejetant son origine espagnole. Il met en lumière les fonctions discursives et politiques des œuvres d’art dans le cadre des négociations diplomatiques. Je démontre dans cette contribution comment un objet visuel peut devenir un palimpseste politique d’ambitions impériales, de tensions confessionnelles et de réflexions sur la souveraineté, tout en servant de support à une redéfinition des relations internationales et des structures administratives naissantes.
[en] This paper proposes a multidimensional reinterpretation of the Somerset House Conference painting (1604), analysing its political, diplomatic and theological implications within the context of the geopolitical tensions between England and Spain in the early 17th century.It explores the temporal, spatial and textual dimensions of the artwork as a synthesis of the arcana imperii, integrating issues related to diplomacy, maritime trade and sovereignty.
The painting, the subject of this study, is interpreted as a condensed snapshot of the protracted negotiations between the English and Hispano-Flemish delegations, while also illustrating the complexity of the diplomatic process (internal conflicts, temporal discrepancies, etc.).The visual elements (e.g. the writing desk, the kilim, and the tapestry margins) embody strategic concerns, sovereign power, and the emerging role of bureaucratic actors.
The article establishes a connection between the Tudor-Stuart dynastic continuity and political imagination through allegorical references to David and Uriah, highlighting the tensions between duplicity and divine sovereignty.Key dates (1560, 1604) frame a reflection on the longue durée of Anglo-Flemish relations and the reorganization of power structures. The painting is presented as a performative tool designed to pacify and restructure the post-conflict European political order while reflecting English maritime ambitions, notably the commercial monopoly of the Merchant Adventurers.The symbolic textures (kilim and tapestry) evoke England's imperial and commercial projections into European and Eastern spheres. The artwork is positioned as a meditation on the dual nature of sovereign power, oscillating between visibility and concealment, embodied in the centrality of the arcana imperii and the emergence of modern bureaucratization.The progressive depersonalization of the Spanish envoys into abstract "figures" illustrates the transition towards administrative and scriptural authority.
The present study engages with a vibrant historiographical debate concerning the painting's attribution and significance, and advances a novel hypothesis linking its execution to James I's court while rejecting the hypothesis of Spanish origin. The study highlights the discursive and political functions of art within diplomatic negotiations.Finally, the study demonstrates how a visual object can serve as a political palimpsest, reflecting imperial ambitions, confessional tensions, and reflections on sovereignty, while supporting the redefinition of international relations and nascent administrative structures.