Abstract :
[fr] Comment s’organise la fabrique des villes en Afrique subsaharienne ? Quelle place occupent l’Etat, les lois et les formalités dans ce processus d’urbanisation ? Comment ces dimensions institutionnelles de régulation s’articulent-elles à d’autres sources normatives qu’elles soient professionnelles, sociales ou culturelles ? C’est à ces interrogations que la présente thèse apporte des éclairages en mobilisant une approche qualitative (observations et entretiens). Elle propose de dépasser les perspectives binaires, qui tendent à appréhender l’urbanisation dans le Sud et les économies urbaines qui les sous-tendent par une opposition formel/informel. Cette dernière ne prend que peu en compte les dynamiques de régulation institutionnelle et les manières dont elles s’articulent à d’autres sources normatives. Par une immersion dans le secteur de la construction à Douala, au Cameroun, cette thèse propose d’analyser la fabrique de la ville et l’activité économique qui la sous-tend par la perspective de la régulation sociale. Cette perspective renvoie au processus de structuration de l’activité sociale par une diversité de sources normatives : des normes légales, sociales, morales, professionnelles, culturelles etc.
La thèse explore la régulation sociale à partir de trois dimensions de l’activité de la construction : l’urbanisme, le marché, et les relations d’emploi. Sous l’angle de l’urbanisme, la régulation sociale est appréhendée à travers la manière dont agents municipaux et usagers négocient les formalités urbaines, à savoir les autorisations de construction et les formes de contrôle administratif qu’elles impliquent. L’analyse porte par la suite sur les relations commerciales entre prestataires, sous-traitants et clients maîtres d’ouvrage évoluant sur les marchés des constructions privées et publiques. Sur ces marchés, la régulation est saisie à travers les catégories analytiques de la confiance pour le privé et du clientélisme politique pour le public. A partir de ces catégories, l’analyse montre comment les réseaux marchands sont structurés à la fois par des normes sociales, culturelles et professionnelles, et comment ce faisant les acteurs de la construction négocient les formalités commerciales dans leurs transactions marchandes. Enfin, la focale est mise sur les relations d’emploi sur les chantiers. La régulation sociale est ici appréhendée à travers la catégorie du ‘statut’ fondée sur la compétence. Par le statut, la thèse analyse comment se négocie les conditions d’emploi et comment se crée une différence professionnelle entre les administrateurs de projet et les ouvriers salariés au sein des entreprises légales, mais aussi entre les techniciens qualifiés, les manœuvres et les apprenants au sein du marché dit de l’auto-construction.
Enfin, la thèse interroge les enjeux de la régulation sociale, en particulier ceux liés aux trajectoires des professionnels de la construction. L’analyse consiste à explorer les logiques sociologiques qui sous-tendent ces trajectoires, en saisissant leurs formes, ainsi que les ressources/capitaux qui les rendent possibles ou les contraignent.