« Mor n’est pas mort ». Mobilisations politiques autour des morts violentes de migrants sénégalais en Espagne

Comment la mort violente en contexte migratoire mobilise-t-elle ? Les morts violentes occasionnées par le rapport de force inégal entre les forces de l’ordre et les vendeurs ambulants sont celles autour desquelles nous nous concentrerons dans cet article afin de comprendre comment ces morts sont source de mobilisations politiques. À travers un travail ethnographique à Barcelone, Tarragone et Valence et l’analyse de certains cas emblématiques de mobilisations politiques autour de morts violentes de migrants sénégalais, ce chapitre met en évidence que la mort violente en contexte de migration catalyse en tant qu’emblème la mobilisation politique « par le bas » : ces morts, malgré ou de par leur violence, sont des sources « productives » (Foucault, 1997) d’engagement et désengagement politique à échelle multiple et transnationale, et ont le potentiel d’embrasser des revendications plus amples que celles liées aux victimes.
Cet article est divisé en différentes sections. Tout d’abord, j’articulerai en tant qu’apports théoriques pour ma recherche les contributions développées par le champ d’études de la mort en contexte de migration, ainsi que celles portant sur les mouvements sociaux en lutte autour de la migration. Deuxièmement, je présenterai mon cas d’étude et les techniques de collecte de données. Troisièmement, je présenterai comment, dans un contexte de violences structurelles et autour de certains décès emblématiques, se déploient des dynamiques d’engagement particulières. J’analyserai ainsi comment des collectifs militants naissent, et comment ils mobilisent un langage et une performativité de lutte singuliers. Finalement, je montrerai comment des conflits de représentations sont en jeu, et finalement comment s’engagent en justice les familles des victimes, tandis que d’autres semblent s’en désengager.