Une rupture de la neutralité liégeoise ? Négocier la levée d’un régiment français dans la principauté de Liège à la veille de la Révolution (1787-1788)

En 1787, les secrétaires d’État aux affaires étrangères et à la Guerre, Armand de Montmorin et Louis Le Tonnelier de Breteuil, signèrent avec le prince-évêque de Liège une convention autorisant la France à lever, sur le territoire liégeois, un régiment, le Royal-Liégeois, pour son usage exclusif. Pour la France, il s’agissait de renforcer la dépendance liégeoise vis-à-vis de Versailles. Pour Liège, le prince-évêque pouvait distribuer des charges militaires au sein de la noblesse qui s’opposait à ses projets de réforme. Mais, avec la Révolution batave, Breteuil réserva la majeure partie des postes aux officiers néerlandais en exil. Par ce geste, il mécontenta à la fois la principauté et les puissances voisines.
Depuis 1492, la principauté de Liège était dotée d’une neutralité reconnue par le roi de France et l’empereur. Aussi, la création du Royal-Liégeois souleva l’indignation des Provinces-Unies et des Pays-Bas autrichiens qui dénoncèrent une rupture de la promesse liégeoise. Pareillement, la manœuvre de Breteuil fit perdre à la France des soutiens au sein de la noblesse liégeoise qui craignait d’être entraînée dans un conflit européen.
À l’aide des archives diplomatiques liégeoises (Archives de l’État et de l’évêché de Liège), austro-bruxelloises (Haus-, hof- und staatarchiv) et françaises (Archives de La Courneuve), cette communication revient sur les négociations du Royal-Liégeois afin d’examiner les critiques formulées contre la rupture de la neutralité principautaire. En adoptant une perspective européenne, nous envisageons la question sous un angle inédit, l’historiographie s’étant encore peu intéressée au Royal-Liégeois, permettant de pointer les enjeux réels de la neutralité à l’aube de la Révolution.