Abstract :
[fr] L'aquifère crayeux de Hesbaye, une importante ressource en eau pour la région liégeoise en Belgique, a été localement affecté par une contamination aux solvants chlorés, principalement le 1,1,1-trichloroéthane (1,1,1-TCA) accompagnée d'un changement significatif de la minéralisation de l'eau. Des études antérieures ont mis en évidence la dégradation abiotique du 1,1,1-TCA par hydrolyse et déshydrohalogénation, contribuant aux changements hydrochimiques observés. Une hypothèse concernant la contribution potentielle à la pollution de la lixiviation d'un remblai en surface est également émise. Cependant, des incertitudes persistent quant à l'origine précise, l'évolution et les interactions entre ces sources de contamination.
Dans ce contexte, cette thèse s'articule autour de la question centrale suivante : quelles sont les interactions entre les mécanismes de transport et d'atténuation naturelle des solvants chlorés et les caractéristiques hydrochimiques et géochimiques de cet aquifère ?
L'enjeu de cette étude réside dans la présence simultanée de deux sources de contamination : les solvants chlorés et la lixiviation du remblai, dont la superposition affecte l'hydrochimie. Cette configuration unique offre l'opportunité d'examiner les interactions entre ces sources et leur impact sur les processus d'atténuation naturelle.
La méthodologie mise en œuvre combine l'acquisition de nouvelles données et la modélisation hydrogéologique du transport réactif. L'acquisition de données comprend des investigations hydrogéologiques et hydrogéochimiques sur le terrain, incluant la caractérisation du remblai. Les analyses portent sur la composition chimique des eaux souterraines (solvants chlorés, ions majeurs et mineurs), ainsi que des analyses du remblai (DRX, MEB, test de lixiviation). Des analyses isotopiques (δ34S et δ18O du sulfate) ont été réalisées sur les eaux souterraines et les éluats du remblai. Des analyses chimiques, isotopiques et minéralogiques approfondies ont complété l'étude en laboratoire. De plus, un modèle numérique de transport réactif multicomposant a été développé pour simuler l'impact des processus géochimiques et des sources de pollution sur l'hydrochimie de l'aquifère. Ce modèle intègre l'écoulement souterrain, le transport conservatif, l'influence des différentes sources de pollution, la dégradation du 1,1,1-TCA par hydrolyse et déshydrohalogénation, ainsi que l'équilibre géochimique avec la calcite.
Les résultats de la caractérisation du remblai par DRX et MEB ont révélé des traces de pyrite oxydée, avec une partie des sulfates sous forme amorphe. Ces résultats, en plus du test de lixiviation, ont confirmé la double source de contamination : la dégradation du 1,1,1-TCA et la lixiviation du remblai. Les tests de lixiviation ont estimé des concentrations de sulfate entre 3.3 et 9.2 fois, et de calcium entre 0.7 et 1.9 fois les concentrations de fond de l'aquifère. Les premières simulations géochimiques en batch, sans prise en compte du transport de soluté, ont montré que la dégradation du 1,1,1-TCA peut entraîner une diminution du pH de 1.01 unité, induisant une dissolution de la calcite qui libère jusqu'à 95.28 mg/L de calcium et 289.93 mg/L de bicarbonate sur une année.
Le modèle de transport réactif multicomposant développé sous FEFLOW a permis de reproduire les principales tendances observées sur le terrain. Les simulations ont révélé que l'effet de l'eau immobile dans la craie domine les autres phénomènes de retard et d'atténuation naturelle des contaminants. Contrairement aux estimations initiales basées sur les bilans de masse et les simulations en batch, le modèle de transport réactif a démontré que l'impact des réactions de dégradation du 1,1,1-TCA sur la minéralisation de l'eau souterraine était très faible par rapport à l'impact de la lixiviation du remblai. De même, l'atténuation naturelle du 1,1,1-TCA dans l'aquifère de craie est dominée par les processus de transport plutôt que par les réactions de dégradation.
[en] The Hesbaye chalk aquifer, a significant water resource for the Liège region in Belgium, has been locally affected by chlorinated solvent contamination, primarily 1,1,1-trichloroethane (1,1,1-TCA). Previous studies have highlighted the abiotic degradation of 1,1,1-TCA through hydrolysis and dehydrohalogenation, contributing to observed hydrochemical changes. An additional hypothesis has been formulated concerning the potential contribution of leachate from a surface backfill layer to the observed pollution. However, uncertainties persist regarding the origin, evolution, and interactions between these contamination sources.
In this context, this work focuses on the following main question: what are the interactions between the transport and natural attenuation mechanisms of chlorinated solvents and the hydrochemical and geochemical characteristics within this aquifer?
The challenge of this study lies in the simultaneous presence of two sources of contamination: chlorinated solvents and backfill leaching, whose superposition affects the hydrochemistry. This particular configuration provides an opportunity to investigate the interactions between these sources and their impact on natural attenuation processes.
The adopted methodology combines new data acquisition and hydrogeological modelling of reactive transport. Data acquisition comprises hydrogeological and hydrogeochemical field investigations, including backfill characterization. Analyses include groundwater chemistry (chlorinated solvents, major and minor ions), as well as backfill analysis (XRD, SEM, leach test). Isotopic analyses (δ34S and δ18O of sulfate) were carried out on groundwater and backfill eluates. In-depth chemical, isotopic and mineralogical analyses completed the laboratory study. In addition, a multi-component numerical reactive transport model was developed to simulate the impact of geochemical processes and pollution sources on the hydrochemistry of the aquifer. The model integrates groundwater flow, conservative transport, the influence of various pollution sources, the degradation of 1,1,1-TCA by hydrolysis and dehydrohalogenation, and geochemical equilibrium with calcite.
Backfill results from XRD and SEM characterization revealed traces of oxidized pyrite, along with a proportion of sulfates in amorphous form. In addition to the leaching test, these results confirmed the dual source of contamination: the degradation of 1,1,1-TCA and the leaching of the backfill. Leaching tests estimated sulfate concentrations between 3.3 and 9.2 times, and calcium between 0.7 and 1.9 times, the aquifer's background concentrations, over a period of 0.86 to 8.59 years. Initial batch geochemical simulations, without taking solute transport into account, showed that 1,1,1-TCA degradation can lead to a pH decrease of 1.01 units, inducing calcite dissolution that releases up to 95.28 mg/L of calcium and 289.93 mg/L of bicarbonate over one year.
The multispecies reactive transport model developed using FEFLOW successfully reproduced the main trends observed in the field. Simulations revealed that the effect of immobile water in the chalk formation dominates other retardation and natural attenuation processes of contaminants. In contrast to initial estimations based on mass balances and batch simulations, the reactive transport model demonstrated that the impact of 1,1,1-TCA degradation reactions on groundwater mineralization was very small compared to the impact of backfill leaching. Furthermore, the natural attenuation of 1,1,1-TCA in the chalk aquifer is dominated by transport processes rather than degradation reactions.