Abstract :
[fr] Traditionnellement, lorsqu’il est question de l’appréhension de l’économie par les règles juridiques les plus hautes, c’est la thèse de la ‘neutralité’ de la constitution qui est avancée par la doctrine, à la suite de certaines juridictions constitutionnelles nationales. Les normes fondamentales laisseraient ainsi une grande marge de manœuvre au pouvoir législatif, tout en proscrivant il est vrai les options les plus radicales. Autrement dit, le droit économique resterait en principe de rang législatif. La Belgique ne fait pas exception dans ce domaine, même si la Cour constitutionnelle n'a pas explicitement consacré la thèse de la neutralité économique, contrairement à son homologue allemande par exemple.
Pourtant, depuis un certain nombre d’années, les libertés économiques classiques qui fondent l’institution du marché (droit de propriété, liberté d’entreprendre et liberté contractuelle) se trouvent convoquées par le juge constitutionnel belge pour contrôler l’action du législateur, tandis que les droits économiques et sociaux, censés atténuer ou compenser les effets du marché, ont, eux, été l’objet d’une sanctuarisation expresse dans le texte suprême.
Cette ‘constitutionnalisation’ du droit économique en Belgique peut encore paraître marginale et contingente. Néanmoins, replacée dans une perspective de temps long et dans un contexte international marqué par l’intégration européenne, elle représente une lame de fond qui chamboule en profondeur l’organisation juridique de l’économie. Le phénomène interroge alors, en retour, la place laissée aux institutions de la démocratie représentative face aux nouvelles figures ‘expertales’ de la régulation.