Opportunité des outils numériques pour optimiser la fertilisation azotée du blé à l’échelle d’un territoire

L'amélioration des pratiques de fertilisation azotée (N) est un levier important de la transition vers une agriculture plus durable. Le raisonnement de la fertilisation repose sur de nombreux facteurs, difficiles à prendre en compte avec les moyens actuels à la disposition des agriculteurs. Ces dernières années, des technologies de haute précision ont vu le jour et offrent de nouvelles possibilités pour caractériser finement les processus impliqués dans le développement des cultures.
Dans cette thèse, nous avons cherché à évaluer l’apport de l’agriculture numérique pour améliorer les pratiques de fertilisation N à l’échelle du territoire Wallon. Ce travail aborde trois thématiques qui chacune correspond à un élément du processus décisionnel de fertilisation.
La première partie cherche à établir un cadre de raisonnement de la fertilisation N. A partir du concept de plasticité phénotypique appliqué aux composantes de rendement du blé, nous avons cherché, dans une diversité de situations expérimentales, la composition de rendement permettant à la fois d’atteindre des rendements élevés tout en limitant les apports d’azote. Deux schémas de fertilisation N ont été retenus. Le premier consistait en un apport d’azote initial faible suivi de deux apports élevés. Le second comportait une première et une dernière application d’azote élevée, séparées d’un apport plus faible. Ces schémas de fertilisation soulignent l’importance d’un équilibre dans l’expression des composantes de rendement pour permettre des pratiques efficientes. Ces résultats constituent aussi une base pour adapter les pratiques de fertilisation aux variations intra-parcellaires de rendement.
La deuxième partie de ce travail était consacré à la caractérisation des variations de rendement à l’intérieur des parcelles agricoles. Dans cette partie, une première étude visait à adapter une méthode de délimitation de zones de management à partir d’images satellites du programme Sentinel-2. La relation entre le rendement et un indice de végétation calculé à partir de ces images a d’abord été évaluée à l’échelle annuelle. Parmi différents indices, le NDVI obtenait les meilleurs résultats. Une période de détection optimale de cet indice, observée à la fin du mois de mai, a ensuite permis d’évaluer cette relation à l’échelle interannuelle, en appliquant la méthode de délimitation à chaque variable. Une précision de 71% a été atteinte en adaptant la méthode aux caractéristiques du NDVI. Une seconde étude visait à déployer la méthode de délimitation à l’échelle du territoire Wallon pour évaluer l’intérêt de la délimitation dans ce contexte. A cette échelle, 15907 parcelles ont pu être délimité. Les zones de management, délimitées à partir d’un proxy du rendement, étaient liées à des propriétés de sol telles que la réserve utile ou le complexe argilo-humique. Bien qu’un lien soit observé entre la taille des parcelles et leur hétérogénéité, un ensemble de petites parcelles présentaient elles aussi des variations, renforçant l’intérêt du diagnostic de délimitation.
La troisième partie s’appuyait sur la carte territoriale des parcelles délimitées, croisée avec une base de données de sols, pour simuler des schémas de fertilisation dans chaque zone de management, à l’aide du modèle STICS. Les résultats obtenus ont permis de confirmer la capacité du modèle à représenter les différences de rendement détectées au sein des parcelles. Ces simulations ont aussi révélé une propriété des zones de management susceptible de modifier l’adaptation des pratiques de fertilisation N telle qu’elle était initialement envisagée.
Cette thèse constitue une première évaluation à grande échelle de l’agriculture numérique dans le contexte Européen. Elle constitue une base de recherche pour poursuivre des travaux visant à (1) améliorer les capacités de détection des zones de management et (2) adapter le raisonnement de fertilisation N aux caractéristiques précises des zones de management.