« 2.19 CBPI : le mal-aimé, le mal-compris »

"« Pas de protection des marques sans enregistrement ». Et surtout (sauf exceptions…), pas de protection des marques non enregistrées par le détour du droit de la concurrence déloyale. Ce principe, qui figure aujourd’hui à l’article 2.19 de la Convention Benelux
en matière de propriété intellectuelle, a essuyé de vives critiques au cours des dernières années : une partie de la doctrine s’offusque de la sévérité de cette disposition, certes peu courante à tout le moins dans l’interprétation orthodoxe qu’en fait la Cour de justice Benelux, et la considère tout bonnement comme « illégale » car contraire à des normes juridiques qui auraient préséance sur la CBPI ; normes qui permettraient de tenir en échec
la disposition querellée, tout particulièrement en présence d’un risque de confusion, le mieux étant encore de l’abroger. En somme, cette « règle d’un autre temps » serait une manière de « dinosaure » dont on peut entonner le « requiem ». Jusqu’ici, l’article 2.19 CBPI résiste toutefois au feu des critiques, comme le démontre encore un récent arrêt de la Cour d’appel de Gand. Et nous pensons, avec l’Ecole de l’ULB, que le « dinosaure », héritier en vérité d’une tradition juridique d’au moins 150 ans, peut survivre à la croisade lancée à son encontre. Pour s’en convaincre, il faut d’abord saisir la justification de la règle « pas de protection sans enregistrement » (I), en préciser la portée (II et III) et évoquer les nombreuses exceptions et nuances qu’elle appelle (IV)11. Une fois ramené à sa juste
mesure, le principe de « l’effet réflexe formel » du droit des marques n’apparaît contraire à aucune norme « supérieure » ; favorisant la sécurité juridique voire la liberté d’entreprendre, l’article 2.19 contribue à un équilibre subtil compatible avec la Convention de Paris13 (V) comme avec droit européen (VI).