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Abstract :
[fr] En art, le ratage est généralement considéré comme un simple échec ou comme un dysfonctionnement dans la réalisation d’un ouvrage, qu’il conviendrait nécessairement de prévenir, sous peine de voir le processus créatif échouer et de ne pouvoir partager l'œuvre
ainsi ratée. Marqué du sceau de l’insuccès, de la faille ou du fiasco, le ratage apparaitrait ici comme forcément négligeable. Le terme semble pourtant recouvrir de multiples opérations, procédés, mécanismes ou actes de création qui ne peuvent être réduits au seul écart à un déroulement efficace ou vertueux, ou au seul objet non conforme que le ratage engendre. L’histoire de l’art contemporain et des industries culturelles est ponctuée par de multiples moments et occurrences de ratage devenus célèbres ou, au contraire, tombés dans l’oubli du public, que le présent dossier entend étudier en prenant la notion même de ratage à rebours de la disqualification qu’elle présuppose d’ordinaire. Un ensemble hétérogène d’opérations et de fruits du ratage inscrit dans les champs du cinéma, de la bande dessinée, du spectacle vivant et de l’architecture, permettent ainsi de dépasser le simple constat, jugement de valeur ou de goût, pour approcher ce qui,
précisément, résulte d’un geste qui aura été, malgré tout, poussé jusqu’à son aboutissement. Contre sa stricte assimilation à l’échec, le ratage est donc examiné dans ce volume notamment en tant que révélateur de mécanismes et de normes formelles ou institutionnelles, en tant que moteur de la création artistique, en tant qu’incartade involontaire et inconsciente, ou en tant que finalité de l’acte de création lui-même. Ce dossier trace ainsi les contours épistémologiques possibles d’une esthétique du ratage, résolument placée sous le signe de la surprise, de la réécriture, de la déviation ou encore de la dérision.