Abstract :
[fr] Le Vietnam a souffert de nombreux conflits armés et subi des changements profonds de son économie.Nous analysons les diverses raisons qui ont bouleversé l’organisation du système de santé du pays et qui ont mené les postes de soins primaires communaux, pourtant bien répartis sur le territoire, à être désertés. La politique sanitaire du pays s’étant résolument orientée en faveur du développement des structures de deuxième et de troisième lignes, la situation actuelle est celle d’une absence de première ligne de soins bien structurée et d’une importante surcharge des hôpitaux. Les défis pour le futur concernent la gestion des ressources humaines, la répartition des tâches, la gestion financière et la sécurité sociale dans une société et un monde en constante évolution. Beaucoup évoquent le développement de la Médecine de famille (MF) parmi les pistes de solution.Pour contribuer à ce débat crucial pour le système de santé vietnamien, et approcher plus spécifiquement l’apport potentiel de la MF, notre analyse a porté sur les besoins en santé de la population, ses plaintes et problèmes de santé et ses comportements actuels en matière de consommation des soins. Nous avons également souhaité comparer, dans la mesure du possible, ces éléments à ceux relevés dans la population belge bénéficiant d’une première ligne de soins plus structurée. Pour atteindre ces objectifs, nous avons réalisé une enquête de santé auprès des populations vietnamienne et belge. Les données recueillies ont été analysées grâce au logiciel SPSS. Les questions ouvertes concernant les plaintes, symptômes et maladies ont fait l’objet d’un encodage en lien avec la Classification Internationale des Soins de santé Primaires – la CISP. 1209 personnes ont été interrogées dans les deux pays, à deux reprises. Une première analyse, inspirée des travaux de K. White, s’est attachée aux prévalences mensuelles des personnes ayant un problème de santé et des personnes ayant recours aux différents professionnels de santé. Une proportion importante de la population, tant belge que vietnamienne, recourt aux services d’un médecin. En Belgique, nombreux sont les patients qui reçoivent des soins à domicile et des soins paramédicaux. Au Vietnam, une frange très importante de la population fait appel au pharmacien. Nos travaux ont bien confirmé que très peu de personnes nécessitaient une hospitalisation ou des soins de haute technicité.Dans un deuxième temps, l’analyse a porté sur le volume des contacts répertoriés évaluant ainsi la consommation en soins de santé. Au Vietnam, les patients s’adressent, d’une part, aux médecins dans les consultations ambulatoires hospitalières et la majorité de ces recours donne lieu à une consultation simple. D’autre part, ils vont aussi à la pharmacie, principalement pour obtenir des médicaments en vente libre. L’inefficience de ce système, le manque de soins de proximité et le coût de ces pratiques ont été largement discutés.Dans un troisième temps, nous nous sommes intéressés aux plaintes, symptômes et maladies mentionnés par les participants à l’enquête. Ceci nous a permis d’établir un profil des maladies les plus prévalentes, ce qui est d’un intérêt primordial pour la formation des futurs professionnels de la santé, en particulier les futurs médecins de famille. Dans le cadre de cette analyse, il nous a fallu encoder ce que nous disaient les patients. La Classification Internationale des Soins de santé Primaires (CISP) est particulièrement adaptée aux problèmes de santé de la population générale, puisqu’elle permet d’encoder des maladies, mais aussi des plaintes ou symptômes fréquemment mentionnés par le patient et sans diagnostic précis. Nous avons voulu rendre cet outil accessible aux médecins vietnamiens travaillant en première ligne et aux premiers Départements de MF qui ont été créés. Nous avons donc entrepris une traduction et préparé un dictionnaire de terminologie sémantique. Nous espérons que, dans un futur proche, les Départements universitaires de MF, mais également les médecins vietnamiens, pourront se l’approprier et l’utiliser couramment de manière à améliorer la prise en charge et le suivi des patients, à collecter des données homogènes et fiables, à publier des études concernant la santé de la population générale et à justifier l’importance de la première ligne de soins.Par la présente thèse de Doctorat, nous apportons des éléments montrant la nécessité de structurer au Vietnam une première ligne de soins forte, au sein de laquelle la médecine de famille doit prendre une place centrale. Nous avons également tenté de contribuer à doter les médecins de famille et leurs partenaires en santé d’un outil d’analyse de leurs activités sur le terrain.