Abstract :
[fr] De nombreuses études ont montré que, chez l’adulte, décrire un visage non familier peut significativement altérer la capacité à le reconnaitre dans une tâche d’identification ultérieure, un phénomène connu sous le nom d’effet d’ombrage verbal (Schooler & Englster-Schooler, 1990). L’effet d’ombrage verbal est un phénomène intriguant et est en conflit avec ce qui fut précédemment suggéré dans la littérature au sujet des processus mnésiques de base (Finger, 2002). En effet, nous savons depuis longtemps que rappeler un événement renforce sa trace mnésique et augmente la probabilité de s’en souvenir ultérieurement (Craik & Lockhart, 1972). En revanche, l’effet d’ombrage verbal suggère que rappeler un événement crée l’effet inverse et réduit l’exactitude de sa reconnaissance ultérieure. Bien que l’effet d’ombrage ait été largement investigué dans de nombreux domaines de la cognition chez l’adulte, très peu d’études ont donc été consacrées à l’existence de cet effet chez l’enfant. En réalité, trois études ont jusqu’à ce jour examiné l’influence des descriptions verbales sur les performances d’identification d’enfants. Pourtant, les données issues de la littérature suggèrent que les enfants témoins sont dans de nombreux cas moins exacts que les adultes (par exemple, Bruck & Ceci, 1999 ; Ceci & Bruck, 1993). Les données issues de différentes enquêtes sur les croyances des adultes au sujet de la crédibilité des enfants témoins suggèrent en effet que les enfants sont souvent perçus avec scepticisme, les adultes étant, quant à eux, jugés plus crédibles (Pozzulo, Lemieux, Wells, & McCuaig, 2007). En outre, l’histoire de Rachel W. n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres où un enfant est amené à décrire et par la suite identifier un suspect. En effet, les jeunes enfants sont de plus en plus appelés à témoigner dans des affaires criminelles, particulièrement dans des cas d’abus sexuels (Pozzulo, 2007). Cependant, les enfants peuvent aussi être victimes ou témoins de faits commis par des étrangers, tels que des accidents de la circulation, des agressions, des meurtres. Il est en outre rare que ces événements impliquent un témoin oculaire adulte. Dès lors, l’enfant détient, dans certains cas, les seuls indices permettant de dévoiler l’identité de l’auteur du crime. Compte tenu des conséquences dévastatrices d’erreurs d’identification dans le contexte légal, il est important d’examiner sous quelles conditions les performances d’identification des enfants peuvent être altérées ou améliorées. Nous avons dès lors choisi de consacrer ce travail à une analyse approfondie de l’influence des descriptions verbales d’enfants et d’adultes sur les performances d’identification ultérieures.
