Abstract :
[fr] Dans ce travail, nous avons étudié certains biais cognitifs et croyances dysfonctionnelles chez des étudiants présentant des problèmes de consommation d’alcool et des patients alcoolo-dépendants désintoxiqués. Bien que nos études n’aient pas permis de déterminer le profil de consommation à l’aide de ces mesures implicites, certains facteurs modulateurs et marqueurs neurophysiologiques ont pu être mis en évidence. Premièrement, nous avons montré que l’induction d’un état motivationnel interne de craving pour l’alcool entraine l’apparition d’un déficit d’inhibition envers les stimuli associés à l’alcool chez des patients alcoolo-dépendants. Deuxièmement, durant la réalisation d’une tâche impliquant des stimuli associés à l’alcool, une perturbation du système de contrôle est observée chez des buveurs sociaux qui évitent explicitement l’alcool. Troisièmement, nos données indiquent que les femmes qui consomment de façon excessive ainsi que les personnes ayant un plus haut niveau d’impulsivité ont tendance à montrer plus de difficultés à inhiber une réponse envers l’alcool. Ce déficit d’inhibition serait marqué par une onde P300 plus tardive. L’activation de l’aire tegmentale ventrale serait également associée au traitement automatique de stimuli associés à l’alcool chez de gros buveurs. Enfin, nos données démontrent qu’inclure des images sans la présence du logo de la boisson dans les tâches cognitives implicites permet de mieux discriminer les consommateurs, probablement dû à une complexification de la tâche. Les facteurs modulateurs que nous avons dégagés devraient être pris en compte dans les futures études expérimentales s’intéressant au rôle des cognitions implicites dans les comportements d’alcoolisation. En effet, l’état motivationnel interne du sujet, que ce soit une envie de consommer (craving) ou un désir explicite d’éviter l’alcool, semble interférer avec la capacité à inhiber une réponse envers l’alcool. De plus, le genre et le niveau d’impulsivité pourraient constituer des facteurs prédisposants au développement de biais cognitifs et de croyances dysfonctionnelles. Enfin, le type de stimuli présentés ainsi que la complexité de la tâche cognitive implicite proposée aux consommateurs pourraient également faire l’objet d’études comparatives. Les marqueurs neuronaux et physiologiques du traitement automatique de stimuli associés à l’alcool que nous avons mis en évidence constituent un premier éclairage. De futures recherches devraient cependant permettre de définir plus clairement les bases neurologiques et physiologiques impliquées dans l’apparition des biais cognitifs et croyances dysfonctionnelles dans le domaine de l’addiction à l’alcool. À l’heure actuelle, les prises en charge de type « réentrainement des biais cognitifs » présentent un grand intérêt en psychopathologie. Neanmoins, les résultats obtenus au cours de ce travail de recherche soulignent l’importance d’appliquer ce type d’intervention au cas par cas, en considérant certains paramètres tels que le niveau motivationnel interne du patient et les facteurs interindividuels de vulnérabilité.