ExItCongoMuseum : une tentative pionnière de décolonisation à Tervuren. Regards croisés de Boris Wastiau et de Toma Muteba Luntumbue

Du 24 novembre 2000 au 24 juin 2001 s’est déroulée au Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) à Tervuren l’exposition ExItCongoMuseum. Un siècle d’art avec ou sans papiers (Wastiau 2000b ; Luntumbue & Poinas 2000). Elle prend pour point de départ une sélection de cent-vingt-cinq « chefs-d’œuvre » du musée ayant fait partie de l’exposition Trésors cachés du Musée de Tervuren (Verswijver et al. 1995), qui étaient de retour après une tournée aux États-Unis, au Canada et en Europe. Le commissariat et le pilotage du projet sont confiés à Boris Wastiau, alors conservateur à la section d’ethnographie, qui lui confère une orientation critique sans précédent. En effet, Wastiau propose non seulement une nouvelle interprétation desdits chefs-d’œuvre, en s’intéressant à la provenance et à la biographie sociale et culturelle des objets (Appadurai 1986), mais il entend également dénoncer l’exotisme, le tribalisme et le mythe du primitivisme (Price 1989) entourant l’art du continent africain. Reprenant le concept du musée comme zone de contact (Clifford 1997), il prend en outre l’initiative, inédite pour l’époque, de mettre sous tension la muséologie coloniale de l’institution par l’intégration de l’art contemporain, en invitant le plasticien et historien de l’art Toma Muteba Luntumbue en qualité de commissaire invité. Ce dernier décide à son tour de convier une sélection d’artistes chargés d’investir les espaces – physiques et idéologiques – du musée de Tervuren, questionnant de la sorte la légitimité et l’histoire de ce lieu de mémoire, en particulier l’idéologie coloniale qui le sous-tend. Le présent article soumet ainsi le souvenir de ce projet emblématique au regard des deux commissaires de l’exposition, Boris Wastiau et Toma Muteba Luntumbue, qui ont chacun accepté de revenir sur cette expérience inédite .