Abstract :
[fr] Rendant compte de la thèse de René Taveneaux consacrée au jansénisme lorrain, Pierre Chaunu essaie, dans la Revue Historique (janvier 1962, pp. 115-138) de définir le jansénisme qui survit au XVIIIe siècle sur les frontières de la catholicité. Si Gabriel le Bras a pu dégager un lien entre une large empreinte d'un jansénisme chicanier, presbytérien, purement négatif, et la stérilisation de la pratique, il semble au contraire que le jansénisme augustinien de la Lorraine, des Pays-Bas, des Provinces-Unies, de la Normandie a stimulé la ferveur. Dans les Pays de l'Entre-Deux, terres d'Empire, l'augustinisme est une compensation face à la réforme. L'influence hispano-flamande agit dans le sens d'un augustinisme bérullien ; proche du jansénisme d'Utrecht, il souhaite retrouver la pureté de l'Eglise de la patristique primitive et des premiers conciles ;
il se veut une approche théologique du calvinisme et recherche la réconciliation
des Eglises dans la ligne du premier Concile de Trente, avant le durcissement
provoqué par le triomphe des thèses italo-ibériques.
De cette attitude religieuse, Léon Halkin présente un exemple curieux mais caractéristique. Il s'agit d'un prêtre, originaire de Venders, qui prête serment
au formulaire d'Alexandre II, mais, en 1720, s'élève contre la Bulle Unigenitus. Condamné par le Consistoire, Servais Hoffreumont fait appel à Vienne. L'Empereur Charles VI, le Prince Eugène, Gouverneur des Pays-Bas, divers membres du Conseil Aulique s'opposent alors à toute politique ultramontaine — sorte de pré-Joséphisme — . Croyant la conjoncture favorable, Hoffreumont rappelle que le Consistoire ne constitue pas un tribunal et que la bulle Unigenitus n'a pas force de loi dans l'Empire. La mort de Clément XI, l'auteur des Bulles Vineam Domini et Unigenitus, en mars 1721, l'élection d'Innocent XIII le rassurent et effectivement un rescrit du 9 septembre 1721 lui donne
satisfaction, sans toutefois mettre en question l'autorité de Y Unigenitus. Il croit
à une victoire de Vienne sur Rome et les jansénistes des Pays-Bas, de la
Principauté de Liège, de France, diffusent largement le texte impérial.