Caractérisation des forêts feuillues irrégulières et mélangées d’Ardenne (Belgique) à partir de données de LiDAR aérien

Les écosystèmes forestiers fournissent un grand nombre de services écosystémiques. Ils hébergent également une grande partie de la biodiversité terrestre. Cependant, ces écosystèmes sont actuellement soumis à différentes menaces qui proviennent principalement des changements globaux. Dès lors, il est primordial de disposer d’informations précises et actualisées afin de mettre en place la gestion durable et multifonctionnelle des forêts. La forêt wallonne a une superficie de 554 000 hectares, dont 53% de forêts feuillues. Les inventaires forestiers permettent de caractériser globalement la ressource forestière à l’échelle de la zone pour laquelle ils ont été conçus. Cependant, les données des inventaires forestiers classiques peinent parfois à fournir les informations adéquates pour appuyer la gestion forestière sur le terrain. Ils ne permettent pas la caractérisation de la ressource, localement, sur de faibles surfaces, en particulier à l’échelle de l’unité de gestion. De même, ils n’offrent pas la possibilité de quantifier de manière adaptée l’état de régénération des peuplements. Dès lors, il semble pertinent d’explorer les possibilités offertes par la télédétection en général et le LiDAR aérien en particulier pour compléter les inventaires forestiers afin de mieux caractériser la forêt à l’échelle de la parcelle. Par ailleurs, les forêts irrégulières et mélangées présentent de nombreux enjeux qui ne sont pas rencontrés dans les plantations mono-spécifiques. En Wallonie, ces peuplements irréguliers et mélangés correspondent principalement aux forêts feuillues. Le contexte actuel pousse les gestionnaires forestiers à irrégulariser la structure et à diversifier les essences. La thèse se focalise donc sur ces peuplements feuillus irréguliers qui présentent une plus grande résilience.
La thèse a pour objectif d’évaluer dans quelles mesures le LiDAR aérien peut être utilisé pour décrire les peuplements irréguliers de façon plus complète qu’avec les inventaires forestiers classiques. La finalité de ce projet de recherche est de développer des outils permettant la production de données opérationnelles pour la gestion forestière à l’échelle de la parcelle. Ces outils viseront à caractériser la forêt en termes de structure, de composition et donneront une attention particulière à la régénération.
La première partie de cette thèse est consacrée à la caractérisation de la structure et de la composition de la futaie. Plus particulièrement, nous avons évalué le potentiel du LiDAR aérien pour estimer la distribution des tiges par classe de circonférence et par essences (chapitre 2). Cette première recherche a été menée au niveau de la vallée de la Semois où des données d’inventaire forestier d’aménagement et des données de LiDAR aérien bi-spectral étaient disponibles. Les houppiers des arbres ont été segmentés et un ensemble de métriques basées sur le nuage de points LiDAR a été calculé pour chaque segment. Un réseau de neurones a été créé afin de prédire simultanément, pour chaque segment, l’essence, la classe de circonférence et le nombre de tiges représentées par le segment. Quatre groupes d’essences, principalement feuillues, ont été considérés. Les prédictions ont ensuite été agrégées à l’échelle de l’unité de gestion afin d’estimer la densité de tiges par classe de circonférence et par essence. L’ensemble de la méthode a été validée sur un jeu de données indépendant. Les résultats obtenus sont prometteurs, aussi bien pour l’entrainement du modèle que pour le test de robustesse. Nous avons constaté que la méthode développée était performante pour les arbres dominants et co-dominants mais que les arbres dominés sous la canopée étaient non détectés.
Dans une seconde partie, nous nous sommes intéressés à la régénération. Nous avons évalué le potentiel du LiDAR aérien pour cartographier les différents stades de développement de la régénération au sein des trouées (chapitre 3). Cette recherche a également été mise en œuvre au niveau de la vallée de la Semois à partir de données de LiDAR aérien bi-spectral. Les trouées ont été détectées à partir d’une approche par seuillage. Ensuite, les stades de développement ont été classifiés sur base de la hauteur. Afin d’affiner la caractérisation du premier stade (h < 1.50 m), la couverture des tiges ligneuses a été modélisée au moyen d’une forêt aléatoire. Ce modèle présente une bonne précision (R² = 0.92 et RMSE = 0.09). La méthode développée à partir de LiDAR aérien permet donc de cartographier les stades de développement de la régénération au sein des trouées avec une haute résolution spatiale (0.50 m).
Ensuite, nous avons mis à profit l’existence de deux couvertures LiDAR sur notre zone d’étude (réalisées en 2013-2014 et 2021) pour évaluer dans quelles mesures le LiDAR aérien permet de caractériser la dynamique de croissance de la régénération (chapitre 4). Le but de cette dernière partie est d’utiliser une série multi-temporelle de LiDAR aérien pour estimer la hauteur et l’accroissement en hauteur de la régénération. Cette dernière recherche a été mise en place au sud de la Wallonie. Les tiges de régénération ont été détectées pour les deux dates au sein d’ilots de régénération localisés dans l’entièreté de la zone d’étude. Un ensemble de données de référence a été collecté afin de calibrer les hauteurs mesurées par le LiDAR et valider l’estimation de la croissance en hauteur. La précision de l’estimation des hauteurs est élevée (biais=-0.01-0.02 m et RMSE=0.95-0.84 m). La croissance en hauteur a été estimée de manière non biaisée (biais=-0.01 m.an-1 et RMSE=0.10 m.an-1). L’estimation de la croissance a ensuite été effectuée pour l’ensemble des tiges détectées au sein de la zone d’étude et a été analysée. Elle est en moyenne équivalente à 0.45 m/an. La hauteur des tiges de régénération peut donc être estimée de manière précise et la croissance en hauteur de manière non biaisée sur une vaste zone à partir de données de LiDAR aérien bi-temporel.
Enfin, les résultats principaux de la thèse sont passés en revue. Ceux-ci sont discutés, d’un point de vue de la télédétection et de la gestion forestière. Les avancées, ainsi que les limites des outils développés, sont également exposées. Les applications pratiques débouchant de ces méthodes pour la gestion forestières sont présentées. Des perspectives sont proposées afin de mener d’éventuelles futures recherches.