Abstract :
[fr] Cette thèse s’intéresse à la capacité des institutions de soins, et singulièrement les
hôpitaux, à tenir compte du niveau de littératie en santé des usagers et des usagères, c’est-à-dire leur capacité à trouver, comprendre, évaluer et utiliser l’information en santé. Elle
part du constat que le niveau de littératie en santé de la population est trop souvent
insuffisant pour faire face aux sollicitations parfois complexes des systèmes de santé. Elle
trouve sa motivation dans la conviction que cette complexité est un des visages de
l’exclusion sociale.
Elle prend la forme d’une « thèse avec insertion d’articles ». Quatre publications dont je
suis co-auteurs, reproduites telles quelles, en constituent le cœur tandis que d’autres
parties les introduisent ou les complètent. Elle est composée de six chapitres. Dans le
premier chapitre, nous insérons deux articles. Le premier jette un regard critique sur
l’émergence du concept de littératie en santé : son histoire, ses forces, ses limites, et le
risque de contribuer, à travers une focalisation sur l’information et la responsabilité
individuelle au détriment des déterminants sociaux de la santé, à une dépolitisation de la
promotion de la santé (Henrard et Prévost 2016). Le second article rappelle en quoi une
littératie en santé insuffisante peut être considérée comme un problème de santé et de
santé publique, puis identifie une série d’actions possibles au sein des systèmes de santé,
notamment au niveau des institutions de soins (Henrard et al. 2018). Tous les deux
concluent en affirmant que le concept de littératie en santé pourrait représenter une
opportunité stratégique pour réinvestir la question des inégalités sociales de santé depuis
le système de soins.
Nous continuons ce chapitre introductif en développant un court argumentaire à propos
du choix de cibler notre champ de recherche sur la littératie organisationnelle en santé,
c’est-à-dire au niveau des institutions de soins, plus spécifiquement des hôpitaux, et
d’intervenir au moyen d’un outil d’auto-évaluation, le questionnaire V-HLO (pour « Vienna
Health Literate Organisation »). Enfin, nous y formulons de manière explicite les objectifs
de cette thèse et nos questions de recherche.
Les deuxièmes et troisièmes chapitres présentent la partie empirique de la thèse, les
recherches « de terrain ». Nous y reproduisons respectivement deux articles publiés. Celui inséré dans le chapitre 2 décrit la traduction et l’adaptation culturelle pour le français
en Belgique du V-HLO (Henrard et al. 2019). Les entretiens avec des experts locaux réalisés
lors de la validation du V-HLO-fr, la version traduite du questionnaire, nous ont permis
d'améliorer la traduction mais aussi d'identifier des obstacles à l'adoption de l'outil : la
difficulté à considérer la littératie en santé du personnel comme une cible pertinente pour
l'outil, la crainte de surcharger le personnel, le sentiment que certains éléments ne
relèvent pas de la littératie en santé ou encore le manque d'attention pour l'intégration
des services avec les soins primaires. Ces remarques ont pu contribuer au développement
futur de l'outil. L’article inséré dans le chapitre 3 décrit l’application du V-HLO-fr dans des
études de cas exploratoires au sein des trois principaux hôpitaux de la région de Liège
(Henrard et al. 2021) où il a pu être pleinement testé dans les trois hôpitaux ciblés. Le
processus semble être acceptable, intégrable et suffisamment adaptable. Nous avons
identifié des points d’attention pour améliorer le mode d’application du questionnaire que
nous proposions. Des forces, par exemple la facilitation de la navigation des patient·e·s
vers l'hôpital, et des faiblesses, par exemple la provision de supports d'information faciles
à lire, à comprendre et à utiliser, y ont été mis en évidence.
Dans le quatrième chapitre, en convoquant quelques auteurs choisis, nous ébauchons une
critique de la littératie en santé au niveau historique et sociologique.
Dans le cinquième chapitre, nous synthétisons les principaux résultats de notre travail, à
savoir, à côté des apports empiriques issus des recherches décrites dans les deuxièmes et
troisièmes chapitres, l’amorce d’une critique du concept de littératie en santé développée
dans le quatrième chapitre, puis nous en soulignons les limites, en termes de méthode,
de champs investis et d’impact. Nous y soulevons ensuite une série de points d’attention
dans la perspective d’une utilisation pragmatique du V-HLO-fr sur le terrain et finalement,
nous nous positionnons en faveur d’une littératie en santé fondamentalement critique.
Dans le sixième et dernier chapitre, nous évoquons les projets qui sont issus de notre
travail et les suites qu’il pourrait prendre.
[en] This thesis questions the capacity of health care institutions to take into account the level
of health literacy of users, i.e. their ability to find, understand, appraise and use health
information. It is based on the fact that the level of health literacy of the population is
frequently insufficient to cope with the complex demands of our health systems. It is
motivated by the conviction that this imbalance is one of the aspects of social exclusion.
It takes the form of an article-based thesis. Four publications of which I am co-authors
form its core, while other parts introduce or complete them. It is composed of six chapters.
The first chapter, includes two articles. The first takes a critical look at the emergence of
the concept of health literacy: its history, its strengths, its limitations, and the risk of
contributing, through a focus on information alone and individual responsibility, to a
depoliticization of health promotion (Henrard et Prévost 2016). The second describes how
low health literacy levels can be considered a health and public health problem and
identifies a series of possible actions within health systems, including at the level of health
care institutions (Henrard et al. 2018). Both articles conclude by asserting that the concept
of health literacy represents a strategic opportunity to reinvest in the issue of social health
inequalities from within the health care system. I continue this introductory chapter by
developing a short argumentation regarding the choice to target our research on
organizational health literacy, i.e. at the level of health care institutions, more specifically
hospitals, and to intervene by means of a self-assessment tool, the V-HLO (for "Vienna
Health Literate Organization") questionnaire. Finally, I explicitly state the objectives of this
thesis and our research questions.
The second and third chapters present the empirical part of the thesis, the “field research”.
I reproduce two published articles. Chapter two describes the translation and cultural
adaptation for French in Belgium of the V-HLO (Henrard et al. 2019). The interviews with
local experts carried out during the validation of the V-HLO-fr and the translated version
of the questionnaire, enabled us to improve the translation but also to identify obstacles
to the adoption of the tool: the difficulty in considering staff health literacy as a relevant
target for the tool, the fear of overloading staff, the feeling that certain elements of the
tool are outside the scope of health literacy or the lack of attention to the integration of services with primary care. These elements contributed to the future development of the tool. Chapter three describes the application of V-HLO-fr in exploratory case studies within the three main hospitals in the Liège region (Henrard et al. 2021). The V-HLO-fr application was fully tested in the three hospitals. The process appears to be acceptable, integrable and practicable. I identified points of attention to improve the mode of application of the questionnaire proposed. Strengths, for example the facilitation of patient navigation to the hospital, and weaknesses, for example the provision of information materials that are easy to read, understand and use, were highlighted.
In the fourth chapter, by inviting a few selected authors, I outline a critique of health
literacy at the historical and sociological level.
In the fifth chapter, I summarize the main results of our work, alongside the empirical
contributions from the research described in the second and third chapters, the beginning
of a critique of the concept of health literacy, I then highlight the limitations, in terms of
method, fields investigated and impact. I also raise a series of attention points in the
perspective of pragmatic use of the V-HLO-fr in the field. I position myself in favor of a
fundamentally critical health literacy.
In the sixth and final chapter, I discuss the projects that have resulted from this work and
the follow-up that it could take.