Abstract :
[fr] Voilà plus de deux siècles maintenant qu’Ostie fait l’objet de fouilles archéologiques. Durant cette période, les archéologues documentèrent leurs activités pour répondre à des impératifs administratifs et scientifiques, déterminés par la pratique archéologique de leur temps. Cette documentation est plus ou moins abondante en fonction des époques et l’intérêt scientifique des documents conservés varie fortement en fonction des archéologues qui les produisirent. Par documentation, nous entendons à la fois les documents produits lors des fouilles et les publications analytiques qui les suivirent, notamment les comptes-rendus publiés dans les Notizie degli Scavi di Antichità, une revue fondamentale dans la diffusion des découvertes archéologiques en Italie au cours de la période considérée dans notre exposé, qui commence avec la chute des États pontificaux.
Comme à Rome, l’étude de la topographie urbaine connaît à Ostie un essor notable dans la seconde moitié du XIXe siècle, et plus particulièrement à partir de 1870. Les fouilles menées sous Pie IX par P.E. et C.L Visconti témoignent d’un premier intérêt pour la topographie ostienne, mais ce sont P. Rosa et R. Lanciani qui firent entrer le port de Rome dans l’ère des études topographiques (1870-1890). La documentation la plus intéressante est sans conteste celle produite par Lanciani, en grande partie publiée dans les Notizie. L’arrivée de D. Vaglieri à la direction des fouilles en 1908 marqua une nouvelle phase dans la pratique archéologique à l’embouchure du Tibre (1908-24). L’archéologue chercha non seulement à clarifier la topographie urbaine, mais aussi à comprendre l’évolution diachronique de la ville, en ouvrant des sondages là où le contexte de conservation le permettait. Dans le même temps, la documentation scientifique des travaux devint plus abondante et plus précise : des journaux de fouilles furent rédigés par le soprastante R. Finelli ; des plans et des sections dessinés par l’architecte I. Gismondi ; de nombreuses photographies prises par les différents responsables scientifiques ; des rapports analytiques et exhaustifs publiés régulièrement dans les Notizie. La documentation de cette période offre une matière abondante, qu’il faut toutefois examiner avec un regard critique. La direction de G. Calza au cours des deux décennies suivantes marqua en revanche un retour en arrière notable dans ce domaine. Les excavations menées dans le cadre de la préparation de l’Exposition Universelle de Rome, prévue en 1942, apparaissent souvent comme l’anti-modèle de la fouille archéologique moderne dans les manuels retraçant l’histoire de l’archéologie italienne. La documentation produite alors est très pauvre et apporte peu d’éléments à la reconstruction de l’histoire urbaine d’Ostie. Ces dégagements furent toutefois complétés après la guerre par une vaste campagne de sondages, dirigée par Gismondi, afin d’éclairer les phases les plus anciennes d’Ostie avant la publication de la Topografia generale. La documentation produite à cette occasion est particulièrement précieuse pour étudier les phases urbaines précédant le IIe s. apr. J.-C., notamment dans les quartiers occidentaux. D’autre part, les cantieri scuole, mis en place au lendemain de la guerre pour former certains chômeurs, achevèrent l’excavation et la restauration des zones qui n’avaient pas été complètement dégagées lors des travaux de l’EUR, en particulier la zone du Serapeum. La méthode reste voisine de celle employées en 1938-41, mais la documentation est plus soignée. Enfin, les fouilles menées dans les années 60-70 par la Surintendance, notamment sous la supervision de F. Zevi, se démarquèrent par la mise en place progressive de la méthode stratigraphique. Ces travaux s’inscrivaient dans un contexte scientifique stimulant : ils sont contemporains des fouilles des Terme del Nuotatore, qui marquèrent un tournant majeur dans l’histoire des fouilles d’Ostie.
Notre exposé présentera les différentes phases évoquées précédemment, qui ponctuèrent la recherche archéologique ostienne entre 1870 et 1970 : quels étaient les objectifs des archéologues ? Quels étaient les moyens à leur disposition ? Comment documentèrent-ils leur travail ? Comme nous le verrons, l’ensemble documentaire dont nous avons hérité est très hétéroclite. Nous chercherons par conséquent à rendre compte des caractéristiques de la documentation de chaque période, afin de mettre en évidence les apports potentiels d’une relecture systématique des archives à la compréhension de l’histoire urbaine d’Ostie et ses limites. Dans quelle mesure peut-on se fier à ces sources ? Les documents produits au cours d’une même phase sont-ils cohérents entre eux ? Les documents produits à des époques différentes concordent-ils ? Notre réflexion se basera sur plusieurs problématiques cruciales dans l’histoire urbaine d’Ostie, depuis sa fondation, à l’époque médio-républicaine, jusqu’à son abandon, durant l’antiquité tardive : nous nous attarderons en particulier sur les rehaussements de niveau et l’espace de la rue au cours de l’époque tardo-antique.