Abstract :
[fr] La notion de terrain est apparue sur la scène des sciences studies grâce à l’approche sociologique. Elle est censée faire face à la notion de laboratoire, selon laquelle le savoir se veut indépendant du contexte de sa production. Les « sciences du terrain », ainsi que les nomment Ezequiel & Valdez (2021), obligent à assumer que les objets du savoir sont indissolublement liés au lieu de leur production. Tel est le cas, notamment, des écosystèmes marins et terrestres étudiés en biologie, toutes spécialités confondues. Dans le cadre des sciences sociales et humaines, la notion de terrain a d’abord été le fait d’ethnologues (Messu 2016), lesquels ont mis l’accent sur trois de ses caractéristiques : le terrain est aménagé, occupé et pratiqué (Boas [1911] 2018). Ces trois caractéristiques sont assignables tant aux autochtones qu’aux ethnologues (Haraway 1988). Le savoir in situ s’applique en outre au laboratoire lui-même, lequel peut constituer, pour le spécialiste des sciences, un terrain comme un autre, ainsi que l’ont montré les travaux pionniers de Latour & Woolgar (1979).
Dans cette communication, on voudrait poursuivre par une approche sémiotique l’étude épistémologique de la notion de terrain comme elle est appliquée aux savoirs. On voudrait mettre en évidence, en particulier, les caractéristiques aspectuelles (Gosselin 2020 ; Badir 2018) et modales (Fontanille 1999 ; Badir 2020) des terrains épistémiques, afin de répondre de leur ouverture, de leur hétérogénéité et de leur altération.
D’un point de vue aspectuel, la notion de terrain épistémique s’oppose à celle de texte (au sens sémiotique) : il est imperfectif (au lieu que le texte est perfectif), interactif (vs le texte est manipulé) et dispersé (vs le texte est rassemblé).
D’un point de vue modal, en revanche, terrain et texte sont logés à la même enseigne du savoir : ils sont actualisés (interprétés), potentialisés (théorisés) et réalisés (circonstanciés).