Celui dont on ne doit pas prononcer le nom: fémi(ni-cide, analyse et mise en balance de l'opportunité de consacrer ces crimes de genre en sciences socio-criminologiques et juridiques

Que ce soit dans la sphère privée ou publique, il existe des formes spécifiques d’atteintes à l’intégrité physique et psychologique des femmes. Ces manifestations de violence et les formes les plus extrêmes qu’elles contiennent, sont commises pour la seule raison de leur condition de femme ou en raison de leur identité sexuée. Les féminicides - ou fémicides – font parties intégrantes de ces manifestations de violence. A cet égard, la reconnaissance de ce phénomène, en tant qu’infraction spécifique dans le Code pénal, est devenue un sujet d’actualité complexe, tant auprès des politiques que de la société civile. Il s’est révélé que de nombreux meurtres de femmes – perpétrés dans la sphère intime – sont qualifiés de « crimes passionnels », « drames conjugaux », ou encore de « coup de folie » déniant de ce fait, le genre comme motif des violences commises.
En conséquence, nous pensons que les catégorisations hiérarchisées des sexes, et les valeurs et représentations qui leur sont associées accentuent la problématique des rapports de force dans lesquelles ces actes de violence s’inscrivent. Ces catégorisations ont depuis tout temps constitué des bornes tant symboliques, juridiques et sociales – dont les femmes (entre autres) tentent de s’affranchir. Ces frontières invisibles et souvent banalisées comportent pourtant des mécanismes et des schémas récurrents de domination masculine, qui peuvent être repérés et dénoncés.
L’usage du terme féminicide pour qualifier l’extrémité létale de ces actes de violence met en lumière des contextes de perpétration de violence structurelle et de genre qui les rend possible et d’autres relations de pouvoir (la race, la culture, la classe) qui les entourent. L’évolution du concept soutient la lutte contre l’indifférence qui encourage des mécanismes de domination masculine entraînant des formes spécifiques de violence contre les femmes et crée un sentiment d’impuissance et d’injustice chez les victimes.
Sur base de ces constats, nous nous interrogerons sur l’opportunité et la nécessité d’intégrer la dimension de genre au sein d’une infraction à part entière, entérinée dans un instrument législatif, à savoir spécifiquement, le Code pénal. De surcroit, en mettant à profit tant nos compétences criminologiques que juridiques, nous nous demanderons si la consécration juridique d’une infraction nouvelle de l’infraction de féminicide constituerait un réellement une avancée pour la protection des droits des femmes – tant du point de vue de la prévention que de la protection effective de ces dernières – ou si, à l’inverse, une telle consécration juridique engendrerait une stigmatisation des femmes en tant que groupe vulnérable. D’un point de vue juridique, différentes initiatives ont déjà été portées. Nous nous proposons d’aborder ces dernières, et de poser un regard critique sur l’opportunité et les conséquences de ces différentes initiatives, si elles venaient à aboutir.