Abstract :
[fr] L'agriculture familiale, principale mode de mise en valeur des terres agricoles au Sénégal, se caractérise par des baisses de rendements, des pertes de revenus des ménages ruraux et la dégradation des conditions de production. Pour améliorer leurs performances, leur durabilité et leur résilience face aux risques climatiques, les systèmes de culture sous couvert végétal sont proposés dans d’autres contextes tropicaux. Des études ont dès lors été menées pour répondre aux questions de recherche suivantes : (1) quels sont les intérêts potentiels des systèmes de culture en semis sous couvert végétal et (2) comment les mettre en œuvre dans le Bassin arachidier sénégalais à partir de la fabacée Stylosanthes hamata ? Pour ce faire une démarche de co-conception combinée à l’expérimentation en station a été appliquée. Elle est fondé sur des enquêtes auprès 65 exploitations agricoles familiales (EAF), affiliées à une organisation de producteurs de Jatropha, qui ont été réalisées afin de les classer sur la base de leur capacité de production, de comprendre leur fonctionnement et d’identifier les innovations agricoles potentiellement prometteuses. Les expérimentations ont été conduites sur trois ans. L'essai en station comprennait huit traitements en blocs randomisés avec quatre répétitions : cinq traitements en semis sous couvert végétal (SCV) de S. hatama et trois traitements basés sur les systèmes de culture traditionnels. Les parcelles des traitements en SCV ont été subdivisées, à partir de la deuxième année, pour appliquer deux niveaux (avec ou sans) de fumure organique et deux modalités de gestion de la biomasse de Stylosanthes (recépage ou non recépé). Une partie de ce dispositif, quatre traitements, a été répliquée dans six villages du département de Foundiougne.
La typologie des EAF, en quatre classes, est basée principalement sur leur niveau d'équipement agricole et la disponibilité en ressources (terre, animales). Les EAF de type I (6,1%) se caractérisent par une importante disponibilité foncière (27,5 ha), une diversité d'équipements agricoles à traction animale et un cheptel important et diversifié. Le type I se distingue du type IV (10,8 %) principalement par la taille du cheptel et la diversité d’espèces animales. Les EAF de type II (30,8%) qui disposent de 5,3 ha en moyenne, sans aucun animal de trait ni de matériel agricole de traction animale, sont en situation de précarité aigüe menançant même leur survie. Le type III (52,3%) dispose en moyenne de 9,4 ha et d'un cheptel composé d’ânes et de petits ruminants. Deux grands types de systèmes de culture basés sur la rotation arachide/mil et la monoculture du mil avec un faible apport de fumure organique ont été identifiés. La pratique généralisée d'un élevage extensif ne favorise pas les productions animales, d'une part, et compromet le développpement de synergies entre l’élevage et les cultures au sein des exploitations, d'autre part.
Les essais de mise au point de systèmes de culture en SCV de S. hamata, en comparaison aux systèmes traditionnels, ont montré des performances de production plus faibles des systèmes en SCV. En station, les rendements moyens annuels de mil grain s'établissaient entre 29 et 250 kg.ha-1 en SCV contre 200 et 865 kg.ha-1 pour les des systèmes traditionnels. Les rendements moyens de mil obtenus en milieu paysan étaient de 177 kg.ha-1 en SCV contre 487 kg.ha-1 pour le système traditionnel de culture du mil. S'agissant de l'arachide, les rendements en gousses obtenus en SCV s'établissaient entre 378 à 867 kg.ha-1, en station, et à 276 kg.ha-1, en milieu paysan, contre 641 et 1708 kg.ha-1 pour les systèmes traditionnels. Ces performances de production plus faible des systèmes en SCV sont associées à la concurrence de S. hamata vis-à-vis de la culture principale. Cependant, cette perte de rendement est moins marquée en milieu paysan du fait des conditions hydriques plus favorables et de la durée de cycle plus longue des variétés paysannes : ce qui renforce les effets positifs des mesures de mitigation. En effet, l'application de fumure organique combinée à une bonne alimentation hydrique semble être efficace pour juguler les effets dépressifs de S. hamata sur le rendement du mil. Ces effets sont cumulatifs avec ceux du recépage de la biomasse de S. hamata et du sarclage dans la ligne de semis qui ont été observés, en station et en milieu paysan. Le recépage de S. hamata présente, en outre, l'intérêt d'augmenter la production totale de biomasse et sa qualité nutritive aux fins d'alimentation animale. Toutefois, l'efficacité du recépage sur la gestion de l'enherbement des cultures est limitée : il réduit la diversité des espèces adventices sans affecter leur niveau d'infestation global. Le suivi, en station, de la fertilité chimique du sol a montré que celle-ci est affectée de manière significative par l’assolement, l’application de fumure organique et la combinaison de ces facteurs. Les principaux paramètres de fertilité du sol, notamment la teneur en matière organique, ont été améliorés. Exceptionnellement, des baisses de la teneur en azote du sol ont été observées, principalement avec la restitution des tiges mil et sans apport de fumure organique. Les systèmes de culture en SCV S. hamata, combiné à la fumure organique, permettent les meilleurs équilibres de nutriments du sol.
Nous concluons que les systèmes en SCV pourraient constituer une voie pour améliorer le fonctionnement des EAF et renforcer les synergies entre les productions animale et végétale, à travers l'augmentation de la disponibilité fourragère et de la fumure organique au sein de l'exploitation et une meilleure gestion de la fertilité des sols, à conditions de dissiper les effets de la concurrence de S. hamata sur le rendement.
