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Abstract :
[fr] Se distinguant de la réalisation d’un film en prise de vues réelles, traditionnel, la fabrication d’un film d’animation est régulièrement décrite comme un dispositif particulier, celui d’un processus continu, d’une élaboration laborieuse se déroulant dans une totale continuité établie très en amont de sa réalisation. Le film d’animation, patiemment construit image par image, est le film prémédité par excellence. Il ne recourt ni au découpage ni au collage, et ses images ne se raccordent pas, elles sont construites en accord permanent, l’une étant conçue inévitablement comme la suite de l’autre. Harassant travail de la distinction dans le semblable, prodigieuse et inquiétante loi de l’enchaînement, dans le sens le plus sévère du terme, édifiée sous le règne absolu et monomaniaque du défilement. L’image est condamnée à se répéter tout en variant légèrement. L’impitoyable règle est la même pour tous les studios d’animation, quelle que soit leur technique : les images n’existent qu’en une étroite dépendance les unes des autres. Dans ce schéma de fabrication si minutieux et si particulier, il ne semble y avoir aucune place pour laisser surgir le moindre accident.
Et pourtant.
Au cœur de ce dispositif se trouve la métamorphose. Celle-ci ne peut être réduite à une figure expressive ou même à un « effet », par ailleurs fascinant. La métamorphose est la figure fondamentale et systématique du cinéma d’animation, ordonnée précisément par ce que nombre d’auteurs ont appelé la nature synthétique du cinéma d’animation ; elle est le mode de fonctionnement du processus de l’animation. Or, elle semble être aussi le lieu du surgissement de l’inattendu, de l’imprévu, de l’insolite et de l’informe, déjouant les attentes visuelles du spectateur. En se permettant quelques rapides traversées historiques, des pionniers de l’animation, comme Émile Cohl, aux animateurs modernes, comme Peter Foldès ou Caroline Leaf, et en passant par la figure centrale d’Alexandre Alexeieff qui évoquait la métamorphose comme rien de moins que « l’autre moitié du film », cette communication se propose d’interroger les modalités plastiques de l’accident en tant qu’elles seraient inscrites dans le processus même de l’image par image sans jamais être pour autant préméditées, offrant ainsi le cinéma d’animation aux incertitudes du regard.