Droits fondamentaux; Covid-19; liberté de réunion; manifestation; Cour européenne des droits de l'homme; épuisement des voix de recours; qualité de victime; Proportionalité
Abstract :
[fr] L'article présente, met en contexte et analyse l'arrêt CGAS c. Suisse de la Cour européenne des droits de l'homme (15 mars 2022), dont les grandes lignes sont les suivantes : 1. Face à l’interdiction absolue de manifester pendant la première vague de la pandémie, le fait de ne pas avoir demandé l’autorisation d’organiser une manifestation et de n’avoir pas exercé de recours devant les juridictions suisses ne rend pas la requête irrecevable, dès lors qu’aucun jugement ne serait vraisemblablement intervenu avant la date prévue pour la manifestation projetée par la requérante.
2. Face à l’interdiction absolue de manifester, le fait de ne pas avoir demandé l’autorisation de manifester ne fait pas perdre la qualité de victime d’une ingérence dans la liberté de réunion.
3. Le caractère absolu de l’interdiction de manifester exige une justification solide et un contrôle particulièrement sérieux par les tribunaux. Or, en l’espèce, les juridictions suisses n’ont pas opéré de mise en balance des intérêts contradictoires. Malgré l’obligation qu’ont les États de protéger les individus face au risque pandémique, la mesure en cause est disproportionnée étant donné (1) l’importance de la liberté de réunion ; (2) le caractère général et la durée de l’interdiction de manifester ; (3) le fait que, pendant qu’elle était en vigueur, d’autres formes de rassemblements demeuraient possibles ; (4) la nature pénale ainsi que la sévérité des sanctions susceptibles d’être infligées et (5) le fait que la Suisse n’avait pas activé l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme et demeurait donc soumis au droit commun de la Convention.