Abstract :
[en] Art and Endocrinology
H Valdes-Socin.
Physiopathology (Sciences Biomédicales) . Université de Liège.
Introduction
La médecine a recours à des connaissances scientifiques, mais ce n’est probablement pas suffisant pour pratiquer une bonne médecine. En effet, les facultés de médecine redécouvrent que l’enseignement des arts peut aider les étudiants à accroître leurs compétences d’observation et à devenir plus empathiques « pour guérir les malades et soulager la souffrance ».
Par conséquent, l’art peut également enrichir la pratique de l’endocrinologie. Dans cet exposé destiné à des endocrinologues en formation continue, nous mettons les spécialistes au défi d’exercer leurs compétences diagnostiques et empathiques. À travers l’observation de certaines peintures célèbres et l’étude de la vie et de la maladie de certains artistes étonnants, nous visons à développer à la fois leurs compétences d’observation et de diagnostic.
Quelques cas associant l’art et l’endocrinologie
-La peinture de Mona Lisa a été commencée par Léonard de Vinci vers 1503. En regardant de plus près, une lésion jaunâtre peut être repérée dans sa paupière gauche et un lipome ou un xanthome sur le dos de sa main droite. Mona Lisa souffrait-elle d’hypercholestérolémie ? La technique du sfumato, combinée à la simplicité sophistiquée de Mona Lisa, illustre la maîtrise de Da Vinci en tant qu’artiste et anatomiste. Cinq cents ans plus tard, l’énigmatique Joconde continue d’inspirer l’endocrinologie et l’art (1). Le Maestro a peut-être encodé des signes d’une maladie seulement décryptée au 20 ème siècle à travers les travaux de Brown et Goldstein, facilitant, à leur tour, la mise au point de stratégies pharmacologiques ciblant les voies de synthèse du cholestérol.
-Leonel Edmundo Rivero (1911 - 1986) était l’un des chanteurs de tango argentins les plus célèbres de la seconde moitié du 20ème siècle. Une voix grave de baryton-basse était sa marque de fabrique, alors que la plupart des chanteurs de tango étaient des ténors. Don Edmundo Rivero avait d’énormes mains et pieds. Il présentait également d’autres symptômes typiques de l’acromégalie comme un prognatisme marqué, un diastème et des sillons nasogéniens visibles et il a reçu un traitement pour l’acromégalie (2,3). Ce chanteur acromégale nous permet de revisiter l’acromégalie sporadique et syndromique : le FIPA, le syndrome de McCune Albrigh et le X lag Syndrome.
-James Victor Scott (1925 – 2014) était un célèbre chanteur afro-américain qui souffrait du syndrome de Kallmann (4). Jimmy Scott n’a jamais connu la puberté. Parce que les derniers stades de la puberté sont associés à des changements profonds dans la fréquence fondamentale de la voix parlée et chantée, sa voix n’a pas changé lorsqu’il a atteint l’adolescence. Les critiques admiraient sa façon de chanter et sa résilience après une vie d’adversité. Sa voix féminine extraordinaire était toujours là, pénétrante et claire, triste et fragile. « Tout ce dont j’avais besoin, c’était du courage d’être moi-même », a-t-il dit à son biographe. « Ce courage a mis toute une vie à se développer. » Le cas de Jimmy Scott nous permet de redécouvrir le syndrome de Kallmann et les différentes avancées génétiques et thérapeutiques dont nous disposons actuellement.
-L’Hopital de Notre-Dame à la Rose, à Lessines, compte parmi ses collections une œuvre étonnante et unique en son genre. Le tableau, une huile sur bois (103 cm x 73,5 cm) de la fin du 16ème siècle, représente « la Lamentation autour des restes du Christ » . De façon surprenante, la restauration a permis de découvrir un Christ androgyne, occulte sous une couche de peinture dans le haut du torse. En effet, la peinture montre quelques caractéristiques féminines supplémentaires du Christ, telles que les seins, ainsi que les courbes féminines de la hanche (5). Pourquoi le peintre anonyme a-t-il donné au Christ des caractéristiques à la fois masculines et féminines ? Nous discutons de certaines hypothèses artistiques et du diagnostic différentiel de la gynécomastie.
-Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec Monfa (1864-1901) est un peintre et artiste Français extraordinaire. Il est le fils aîné du comte Alphonse et de la comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec. Leur consanguinité était susceptible d’avoir contribué au nanisme congénital de leur fils. L’héritage artistique d’Henri comprend 737 peintures, 275 aquarelles et 369 affiches immortalisant la Belle Époque à Paris. Le célèbre Dr Pierre Marie, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a évoqué chez lui les traits du nain aux traits achondroplasiques. Une autre explication de sa maladie était l’ostéogenèse imparfaite. Plus récemment, cette constellation de signes a été liée à la pycnodysostose par Maroteaux et Lamy, parfois connue sous le nom de syndrome de Toulouse-Lautrec (6-7), dont nous discuterons lors de cet atelier d’endocrinologie.
Conclusions
En Art comme en Médecine, la capacité de détecter l’imperceptible a toute son importance pour une meilleure prise en charge diagnostique, thérapeutique et davantage emphatique de nos patients. C’est un exercice, certes, difficile, mais que nous pouvons améliorer avec persévérance et entrainement adéquat. Si la médecine est souvent considérée un art, peut-être faut-il plus souvent s’en inspirer pour guider au quotidien notre pratique de la Médecine ?
