Abstract :
[fr] Les mouvements paysans dont La Via Campesina s’organisent pour dénoncer les violations
dont ils sont les victimes, et critiquer les impacts négatifs du système capitaliste néolibéral sur
leurs modes de vie. En contrepartie, ils défendent le renforcement de leur autonomie à travers
l’agroécologie et mobilisent le cadre des droits de l’homme, n’hésitant pas à le modeler pour
l’adapter à leurs revendications et créer de nouveaux droits. L’on se pose alors la question de
l’enjeu de l’utilisation du droit pour les revendications paysannes. L’usage du « master frame »
des droits humains présente des opportunités pour les mouvements sociaux, aussi bien au niveau de leur structuration interne que pour légitimer leurs revendications sous une forme
universaliste. Pourtant, cet usage du droit n’est pas sans comporter certaines difficultés, dont le
danger, face au « paradoxe de l’institutionnalisation », de l’expropriation des mouvements de
leur combat, par les experts des droits de l’homme, qui imposent un jargon juridique, et qui
« dé-radicalisent » les revendications afin qu’elles s’inscrivent dans un cadre défini par les
institutions officielles. Par ailleurs, l’on s’est proposé d’explorer trois enjeux particuliers soulevés
par le projet de Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans
les zones rurales des Nations Unies : (1) la question que pose la définition des destinataires de
la Déclaration, sachant que l’ambition est d’inclure l’ensemble des personnes travaillant en
milieu rural ; (2) la légitimité de revendiquer des droits catégoriels dans un système de droits de
l’homme universels ; (3) le potentiel politique des revendications formulées en terme de droits
humains. En particulier, le point essentiel parmi ces trois enjeux se situe dans l’articulation à
trouver entre, d’une part, la volonté d’une reconnaissance de la spécificité paysanne et des
violations dont sont victimes les paysans, et d’autre part, le souhait de contribuer à l’espace
public de discussion mondiale, concernant les enjeux de modèles de production, de systèmes
économiques, de faim dans le monde et de réponses aux changements climatiques. C’est
également à travers cette articulation que se révèle la difficulté du Conseil des droits de
l’homme, sachant qu’il ne s’agit plus de se limiter à une conception étroite des droits mais bien
d’intégrer ces nouvelles dimensions qui apparaissent tout aussi fondamentales que les droits de
l’homme pour le respect de la dignité. Il semble, par conséquent, que seule une
démocratisation des débats, initiée par l’ouverture des négociations à la société civile,
permettra de surmonter le défi posé par la rencontre de ces deux exigences.