Abstract :
[fr] Les initiations masculine et féminine kabyè (Togo) présentent d’importantes similitudes structurelles. Elles font appel aux mêmes entités initiatiques et se déroulent en partie dans les mêmes lieux, en prenant des formes comparables (sacrifices, processions, démonstrations de puissance). La construction des jeunes gens en hommes et femmes adultes repose pareillement sur des processus d’inscription dans un territoire sur lequel s’originent clans et lignages, de manière à affermir l’appartenance lignagère et communautaire tout en officialisant une aptitude à la procréation. Le caractère peu ésotérique de ces initiations est lié à l’importance donnée aux démonstrations et dévoilements de qualités physiques ou « mystiques » individuelles conçues comme caractéristiques d’idéaux masculins et féminins locaux. Nous tenterons de montrer qu’au-delà de ces convergences, les différences dans la mise en œuvre des rites initiatiques masculins et féminins tiennent aux spécificités des rapports sexués à l’espace de brousse. Alors que toute fille naît porteuse d’une matrice sauvage que le processus initiatique tend à domestiquer, les garçons vont, à l’inverse, s’engager dans un processus d’ensauvagement construisant un habitus de guerrier-chasseur les rendant aptes à intervenir efficacement dans les rites annuels et quinquennaux de renouveau d’un territoire propice à la vie humaine. Ces mouvements complémentaires s’actualisent notamment par des interactions entre hommes et femmes prenant pour modèle les rapports entre animaux prédateurs (« lions ») et proies (« biches ») tels qu’ils sont conçus localement. Ces rapports de prédation sont sous-jacents non seulement à la construction des statuts d’homme et de femme, mais aussi à l’appréhension du rapport à l’autre, la relation à l’autre sexe et à l’extranéité constituant deux facettes importantes de la construction initiatique.
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