Abstract :
[fr] Le projet de thèse s’inscrit dans l’analyse des pratiques collectives instrumentées dans le milieu de la conception architecturale. On observe de plus en plus la création de grandes équipes pluridisciplinaires dans ce domaine pour répondre à une série d’exigences de plus en plus pointues, couvrant plusieurs disciplines d’expertise et dans des délais également très serrés. Se pose alors la question de comprendre comment l’organisation du groupe est alors menée et principalement déterminer la place des « outils » dans ce processus.
L’activité collective au sein du processus de conception n’est pas une thématique récente et différentes théories et études existent sur le sujet. Cependant, le besoin de mélanger les compétences pluridisciplinaires et de travailler à plusieurs autour du même objet n’a jamais été autant d’actualité que depuis ces dernières années. L’apparition de nombreux nouveaux outils sur le marché témoigne d’ailleurs de l’évolution des pratiques instrumentées. En effet, ils répondent à la gestion et à la distribution soutenue de l’information, et permettent également aux acteurs d’une même équipe d’organiser leur travail. L’étude de ces nouvelles pratiques médiatisées s’avère aujourd’hui nécessaire pour comprendre et appréhender la complexité de cette activité collaborative, pluridisciplinaire et techno-supportée.
Notre recherche part donc d’une approche simple, mais pourtant inédite: comprendre le processus collectif de conception au travers des usages d’outil. Elle propose de tracer l’ensemble des interactions outillées du processus. Permettant ainsi d’étudier chaque utilisation au lieu de catégoriser l’outil en lui-même. La notion d’usage transcrit comment chaque tâche est menée par les acteurs et intègre également des aspects propres au cadre collectif (qui l’utilise et comment). Nous souhaitons donc développer un modèle qui permet d’une part de comprendre la place des outils dans la pratique et d’autre part nous informe sur la manière de retranscrire le processus étudié. Nous formulons alors notre question de recherche de la manière suivante :
Peut-on représenter le processus collectif de conception en traçant l’usage des outils ?
Différentes notions sont évidemment cachées sous cette question, telles que l’activité collective, l’activité de conception et la traçabilité des processus. Pour répondre à cette question nous avons appréhendé différents modèles de l’activité médiatisée. Nous en citons ici les principaux :
- les approches techno-centrées, détaillant la notion de développement des pratiques induites par les outils ;
- les approches sur l’aspect collectif qui analysent principalement les relations entre les actions des différents acteurs de projet.
Pour pouvoir répondre à la question, il nous faut donc suivre un processus de conception dans sa totalité. C’est pourquoi, nous avons suivi durant 3 mois l’activité collective d’une équipe d’une dizaine d’acteurs lors de la participation à un concours architectural. Néanmoins, le défi de tracer le processus sur son entièreté, et ce à travers l’utilisation des différents outils employés simultanément et en parallèle, nécessite d’une part de hiérarchiser les informations à collecter, et d’autre part de mettre en place une méthodologie innovante de collecte de données. La première partie de la thèse se concentre à répondre à cette problématique. Pour ce faire, nous avons entre autres développé une plateforme en ligne, Systrac, qui nous a permis de récupérer l’ensemble des usages. Deux modes ont été utilisés via cette plateforme :
- soit via le mode « concepteur » qui consiste à demander à l’acteur d’encoder son activité en répondant à une série de courtes questions une fois l’outil utilisé ;
- soit via le mode « observateur » qui encode en temps réel l’activité instrumentée utilisée.
Une fois l’observation menée et la collecte de données finie, nous avons traité et dégagé une série de paramètres pour nous permette de clairement définir la notion d’usage, de comprendre l’articulation qui existe entre certaines actions, le choix d’un outil en particulier et les conditions d’utilisation de ces outils dans différentes configurations. Un des points forts de la méthode a été de pouvoir recenser une grande partie des actions informelles collaboratives entre les acteurs. Ces actions, inconscientes, représentent 1/3 du processus. Nous nous sommes également positionnée face aux actions qui soutenaient une trace graphique. Principalement dans les actions collaboratives, nous démontrons que cette trace graphique est gage d’invalidation au sein de l’évolution du projet. Ainsi, nous pouvons suivre les étapes d’invalidation du projet au travers de l’usage des outils.
La thèse amène donc à classifier les différents types d’usages observés durant le processus en entier, de comprendre leurs origines, ainsi que la manière dont ils s’articulent eux. Témoins à la fois de l’organisation au sein du groupe et d’étapes clés du processus, nous pouvons regarder le processus selon un angle atypique, celui de la trace des usages d’outils. Nous posons également un regard sur des pratiques particulières recensées lors de l’observation et qui ont émergé lors de nos analyses, comme l’utilisation des nouveaux outils BIM, par exemple.
Nous répondons à la question de recherche grâce à la mise en évidence de patterns et de liens particuliers entre les usages qui témoignent du travail certains acteurs, de l’organisation interne de l’équipe de conception et des moments clés de l’évolution du projet architectural.
Nous terminons notre recherche en discutant de l’apport de ce travail et de ses limites, tout en illustrant de cas d’applications futures, tant dans le milieu pédagogique que de la recherche à ce sujet.
Institution :
ULiège - Université de Liège, Liège, Belgium
ULB - Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Belgium