Abstract :
[fr] Publié avec le millésime 1900 et représentatif d'un un moment fondateur de la psychanalyse au début du XXème siècle, L'Interprétation du rêve (Die Traumdeutung, 1899) de Sigmund Freud, déterminait un tournant révolutionnaire dans l’histoire de l’art après-guerre et de la forme traditionnelle de l’expérience artistique : l’idée que l’art est perçu à l’inconscient avant même d’être vu.
Les photomontages oniriques de Claude Cahun et Marcel Moore publiés dans l'ouvrage Aveux non avenus (1930), les « écritures sorcières » d'Unica Zürn et les dessins automatiques réalisés par André Masson à partir de 1922, dont le caractère érotique a été affirmé par le peintre lui-même, ce ne sont que quelques exemples significatifs de la redéfinition des marges de l'art par rapport à la dimension psychanalytique.
Comme le soulignent Benjamin H. D. Buchloh, Hal Foster, Yve-Alain Bois et Rosalind Krauss dans l'introduction du livre Art since 1900. Modernism, Antimodernism, Postmodernism (2004), de nombreux termes psychanalytiques sont entrés dans le vocabulaire de l'art et de la critique moderniste du XXème siècle comme notamment répression, sublimation, fétichisme, narcissisme, regard. Tous ces termes conduisent à ce que Dora Maar décrivait comme : « le secret de moi-même à moi-même secret ». Privilégiant une approche synchronique face aux radicaux changements et tendances de l'art du XXème siècle, des avant-gardes historiques à la production artistique des années soixante et soixante-dix, la leçon porte principalement sur l’érotisme en tant que moyen de perception esthétique, critique et conceptuelle, et, ce faisant, soulève une série de questions : comment percevons-nous le rapport controversé entre l’art, le pensée et l’érotisme ? Que se passe-t-il lorsque, soudain, c’est notre désire qui interviennent en premier dans notre découverte de l’art ?
Des œuvres d’époques différentes – des « objets désagréables » de Alberto Giacometti aux installations provocatrices de Sarah Lucas, des assemblages en fourrure de Meret Oppenheim aux «actions sentimentales » de Gina Pane, des rayographies de Man Ray aux performances féministes de Valie Export – témoignent d’une approche de l’art profondément lié à la dimension érotique et à ses représentations perturbantes.
Marqué par une esthétique hybride et protéiforme, l’art du XXème siècle questionne en profondeur la complexité des relations entre l’art et l’érotisme, comme celles qui ressortent des autoportraits androgynes de Claude Cahun et Marcel Duchamp, des tableaux-objets de Mimi Parent et des poupées troublantes de Hans Bellmer et Cindy Sherman, ou encore à travers le génie subversif du mouvement Fluxus qui a élu la transgression du corps à véhicule de l’imagerie mentale et sensorielle (Kubota, Vagina Painting, 1965). Avec un ancrage historique dans les moments précurseurs de l’avant-garde artistique et littéraire (Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme – ÉROS, 1959 ; Aveux non avenus, 1930 ; Die Erotische Freiheit, 1920), en passant à travers les rituels corporels de Carolee Schneemann, les moulages de cire de Robert Gober et les sculptures à connotations phalliques de Louise Bourgeois, jusqu’à l’analyse de l’œuvre vidéo Pickelporno (1992) réalisée par Pipilotti Rist, l’intervention mettra en lumière avec une visée comparative et transversale les prodromes et les développements d’une production artistique profondément interdisciplinaire qui, à l’enseigne de l’indétermination des genres et d’une dimension fantasmagorique de l'image, a donnée corps aux territoires les plus révolutionnaires de l’expression et de l’expérimentation érotique du XXème siècle.