Abstract :
[fr] Dans le cadre d’une communication militante et intermédiale, se déroulait en octobre 1971 à Trente (IT) le premier colloque international consacré à l’« esoeditoria » d’artiste des années soixante et septante, intitulé Rassegna dell’esoeditoria italiana et dirigé par le critique d’art Bruno Francisci. En contraste avec la communication standardisée de la société de masse, le néologisme « esoeditoria » (du préfixe grec « ἔξω ») décrivait une production éditoriale alternative, « hors » des circuits commerciaux habituels et liée à une série d’expérimentations inter-artistiques qui se développaient sur la scène internationale de la néo-avant-garde artistique et littéraire. Le catalogue qui accompagnait le colloque était sous-titré « pour vérification d’alternatives culturelles - cultures alternatives contemporaines », publiait des textes critiques de Giorgio Barberi Squarotti, Sarenco et Adriano Spatola et documentait l’activité de revues expérimentales particulièrement attentives aux recherches verbovisuelles du mouvement Fluxus, de l’art conceptuel et du concrétisme poétique et visuel: Ana Etcetera (Gȇnes, 1958-70), Agentzia (Paris, 1968-71), Aménophis (Bruxelles, 1968-71) et Geiger (Turin, 1967-1972).
Il s’agit d’un panorama artistique bien particulier et hétérogène où on peut retracer des opérations fort éloignées entre elles, allant de la poésie concrète à l’« écriture symbiotique », de la poésie visuelle à la « nouvelle écriture ». Dans un contexte social, politique et culturel où la poésie pouvait se présenter comme « visuelle, concrète, aléatoire, évidente, phonétique, graphique, élémentaire, électronique, automatique, gestuelle, cinétique, symbiotique, idéographique, multidimensionnelle, spatiale, artificielle, permutationnelle, trouvée, simultanée, fortuite, statistique, programmée, cybernétique, sémiotique » (Martino et Anna Oberto, 1968), naissaient Les livres d’artistes. Une sélection (B. Marcelis, Bruxelles, 1978), Text – Sound – Image. Small Press Festival (G. Schraenen, Anvers, 1976), Small Press Scene (M. Nannucci, Florence, 1975) et Parole sui muri (A. Spatola, C. Parmiggiani, Fiumalbo, 1967), une série d’expositions et de festivals de poésie expérimentale mettant en valeur la variété et la richesse des échanges entre écriture, arts visuels et publications d’artistes d’avant-garde.
À partir de l’analyse du colloque Rassegna dell’esoeditoria italiana (1971), en passant à travers des exemples significatifs de poésie concrète et visuelle, jusqu’à la lecture de la première anthologie GEIGER sous la direction de Adriano, Maurizio et Tiziano Spatola (1967), la leçon mettra en lumière les prodromes et les développements d’une production poétique et éditoriale profondément hybride et interdisciplinaire qui, à l’enseigne de l’intégration entre les arts et d’une transformation radicale des langages, a donnée corps aux territoires les plus révolutionnaires de l’expression verbovisuelle de la seconde moitié du XXème siècle.